En Hommage  à
 GEORGES FERNEY
Entretien au coin du Net avec...

Christian Floquet


NB; Vous pouvez également découvrir des documents originaux sur l'auteur a notre rubrique Documents et témoignages.


Michel Bonvalet

Il y a longtemps que nous souhaitions rendre hommage à Georges Ferney qui fut avec Serge Dalens, Jean-Louis Foncine et quelques autres, un des grands auteurs ayant vécu la création de la collection Signe de Piste et ayant fortement contribué au succès de celle-ci au point d'en faire une collection mythique.
Georges Ferney, outre le fait d'être un romancier prolifique, avait une personnalité attachante par ses multiples facettes : écrivain, historien, cinéaste, plongeur, coureur automobile, pilote d'avion et photographe...
Cette vie bien remplie, il nous a semblé naturel de demander à son héritier Christian Floquet de nous la raconter.




Georges FERNEY ( 1909-1982 ) à sa table de travail chez lui, en 1976

- Georges Ferney demeure un inoubliable auteur de la collection Signe de Piste et s’est également illustré
dans de nombreuses autres activités que nous ne ferons qu’effleurer. Nous avons voulu avant tout rendre
hommage à l’auteur, mais auparavant Christian Floquet, pour éclairer le lecteur, parlez nous de vous ?
Quels sont vos liens avec ce grand auteur ?

Tout d’abord, merci à vous Mic, de proposer à vos lecteurs le tout premier interview jamais réalisé depuis la
disparition de Georges Ferney.
Pour mieux comprendre mon attachement pour cet auteur, il faut savoir que bien que nous n’ayons aucun
lien de parenté, Georges Ferney m’a toujours considéré comme son propre fils, ce qui l’amènera à faire
de moi son légataire universel. J’ai donc envers lui un devoir de mémoire afin que son oeuvre demeure et
perdure, car Georges Ferney est l’une des figures les plus méconnues du paysage « Signe de Piste » même si,
comme vous le dites, il reste, grâce à ses récits d’aventures palpitants, un auteur inoubliable de la collection.
Mais commençons par le début, ma rencontre avec Georges Ferney au milieu de l’année 1973.
Nous habitions tous deux le même quartier, l’île Saint Louis au coeur de la capitale. Moi chez mes parents, rue
Saint Louis-en-l’île et Georges, deux rues plus loin, quai d’Anjou, dans l’un de ces magnifiques immeubles
qui bordent la Seine.
Je fréquentais alors le petit club photo de notre quartier. En voisin, Georges y venait parfois pour apporter
ses conseils de « pro ». J’étais un adolescent passionné de photographie. Sans doute décela-t-il chez moi
quelques prédispositions pour la photo, car il m’en enseigna tous les rudiments et les rouages, me prêtant
son propre matériel de prises de vues, mettant à ma disposition son laboratoire personnel. Puis, il me poussa
à m’inscrire à l’École Louis Lumière et m’accompagna dans mes études. C’est grâce à son enseignement
que je devins quelques années plus tard photographe professionnel.

Georges vivait dans un petit appartement qui donnait sur cour où je lui rendais fréquemment visite. Ces temps
sont bien lointains et pourtant je me souviens ... Chez lui, où quel que soit la saison régnait toujours une
chaleur tropicale, les murs étaient entièrement tapissés de rayonnages garnis d’ouvrages et de souvenirs,
témoins d’une vie riche en aventures et expériences de toutes sortes. Sur une étagère trônaient, alignés
les uns à côté des autres, tous ses albums photos, dans un meuble étaient enfouies ses boîtes de films avec du
matériel de projection, sur sa table de travail s’empilaient les manuscrits en cours de rédaction, le tout rangé
très minutieusement, il fallait voir ça ! Mais à cette époque Georges était déjà un homme malade du coeur.
Il souffrait notamment de ne pouvoir manger à sa guise, régime oblige ... lui qui aimait tant les plaisirs
de la table ! En juin 1982, un nouvel infarctus l’emporta, il avait soixante treize ans. J’appris alors qu’il
avait rédigé un testament dans lequel il me faisait son héritier. Voilà comment je suis devenu le légataire
universel d’Emmanuel Bonfilhon de Règneiris, fils unique et dernier descendant d’une très ancienne famille
provençale.
J’avais vingt deux ans, une immense tristesse mais également une certaine force acquise grâce à cette
amitié quasi parentale qui dura presque dix ans ... Ayant le devoir de l’enterrer dignement, il me fallut
organiser ses obsèques en respectant ses dernières volontés. La cérémonie religieuse se déroula dans sa
paroisse, l’église Saint Louis-en-l’île, qui sera bien tristement vide ce jour là, car seuls quelques amis
fidèles viendront rendre à Georges Ferney un dernier hommage. Parmi eux, quelques personnes bien
connues du « Signe de Piste » comme Jean-François Pays, Michel Gourlier ou Éric Gali (c’est son pseudo et
il fut également à la tête des Editions Sigmarhill). Certaines personnalités du monde de la presse et du
cinéma, vieux copains de toujours, que Georges avait connus jadis dans la région Paca et qui
continuaient à l’appeler « Manu », comme Roger Colombani ou Jean Rambaud (cité par Georges dans
« Fort Carillon » et « La Ménagerie »), ou encore son ami attaché de presse du cinéma Eugène Moineau
(créateur du prix « Romy Schneider et Jean Gabin »). Plus tard, ces derniers n’hésiteront pas à m’ouvrir
leurs colonnes pour quelques clichés ou à me donner la possibilité d’effectuer des photos de plateau lors
de différents tournages.
D’anciens collaborateurs des « Cent Camarades » seront présents eux aussi, comme le chef opérateur
Paul Vermeiren et certains techniciens, auxquels se joindront d’autres amis fidèles, sans oublier les
personnalités du monde littéraire comme Gabriel Matzneff, qui bien des années plus tard évoquera cette
triste cérémonie dans l’un de ses ouvrages. Serge Dalens, retenu au Palais de Justice de Nanterre, déléguera
son épouse Marie-Odile. Jean-Louis Foncine s’excusera, retenu à Malans pour le mariage de son fils
Thierry. Quant aux autres, qui à une époque se sont prétendus ses amis et ont su apprécier sa générosité ou
son courage, ils ne se déplaceront pas et ne s’excuseront pas, sans parler de sa maison d’édition de l’époque
qui n’enverra personne pour la représenter. Enfin ... ainsi va la vie !

- Comment Emmanuel Bonfilhon de Règneiris, ancien maquisard, Officier de réserve de l’armée de l’air,
est-il devenu Georges Ferney, Geoffrey X. Passover, Georges Calissane ou Patrick Robin et quelles ont
été ses différentes sources d’inspirations ?

Les pseudonymes successifs, que Georges va adopter au cours de sa carrière littéraire, ne sont pas un cas
unique dans l’histoire du « Signe de Piste ». Pierre Lamoureux alias Jean-Louis Foncine en utilisera lui-même
trois. D’autres auteurs comme Jean-Claude Alain ou Alain Arvel, qui ont entre autre publié quelques romans
dans la collection, en cumulent eux aussi quelques uns !
Mais revenons à Georges ...
Né d’une très vieille lignée méridionale, Georges n’aime cependant guère sa particule dont il ne fait jamais
usage. Je me souviens qu’il me disait « tu comprends, dès que tu entres quelque part et que tu prononces
ton nom, tous le monde se retourne ! ce n’est vraiment pas facile à porter ». Et puis la guerre survient
et comme bon nombre de ses camarades résistants, il doit, pour des raisons de sécurité, changer de nom.
C’est ainsi qu’en 1941 naît Georges Ferney, le nom faisant référence à la dernière résidence du grand
Voltaire. Mais Georges a une facilité d’écriture déconcertante, très inspiré, son style est fluide et limpide.
Serge Dalens écrira plus tard, dans la préface de la dernière édition de « Fort Carillon », que Georges
adopte d’autres pseudonymes « par crainte de se voir accuser de monopoliser le « Signe de Piste ».



C’est probablement pourquoi, après cinq romans publiés sous le nom de Ferney, apparaît dans la collection,
au début des années soixante, l’auteur Patrick Robin avec « La Maison de l’Espoir». Dans ce roman
entamé dès le milieu des années cinquante, Georges nous compte déjà, avec moult rebondissements,
ce qui est de nos jours toujours d’actualité, la crise du logement. Il faut savoir, pour la petite histoire, que
certains de ses personnages lui ont été inspirés par son entourage, comme les jumeaux par exemple qui
ressemblent fort aux derniers nés de la famille Foncine. Amusant !

Viendra ensuite « L’Affaire Stani ». Là,

c’est le propre bureau de Georges aux tiroirs toujours bien garnis qui lui donnera l’idée de l’intrigue du roman.
Entre temps, avant que ne sorte en librairie « L’Affaire Stani », Georges publie chez un autre éditeur, un
nouveau roman d’aventure, lui aussi destiné à la jeunesse, signé d’un autre pseudonyme « Jean-Yves Corin ».
Cet ouvrage, paru en 1961 chez Spes dans la collection « Jamboree », a pour titre « La Cabane aux Chansons ».
L’histoire se situe en Italie. Elle relate la création d’une chorale de jeunes chanteurs et bien que différente,
elle ressemble assez à nos « Petits Chanteurs à la Croix de Bois » si chers au coeur de Bruno Saint-Hill.
Pour ce qui est de « Geoffrey X. Passover », ce pseudo colle assez bien à la publication de romans
d’anticipation, vous ne trouvez pas ? Quant à « Calissanne » c’est le nom d’un domaine sur lequel s’élève
un château situé près de l’étang de Berre. Cette bâtisse se trouve à proximité du château de Règneiris
(en vieux provençal « Règne-Iris ») où Georges a passé son enfance. C’est d’ailleurs non loin de là qu’il
repose, auprès de ses ancêtres. Ces deux romans signés « Georges Calissanne » sont radicalement différents.
Le premier « Les Fils de la Cité » qu’il m’a dédié, lui a été inspiré lors d’un séjour à Naples et par certaines
théories concernant l’assassinat du Président Kennedy. Le second « Le Roi d’Infortune » est un roman
entièrement historique où l’action se déroule durant le Directoire. Ces deux romans ont été rédigés par
Georges presque sous mes yeux, à la machine comme toujours, pratiquement d’une seule traite et pour ainsi
dire sans ratures, comme l’a si bien écrit Serge Dalens dans les années cinquante, lorsqu’il évoque la facilité
de rédaction de Georges aux lecteurs du « Signe de Piste ». Souvenez-vous ... c’était dans un article paru
voilà bien des années pour les lecteurs de « La Fusée » (pour les collectionneurs : « la Fusée » number three).

                             

                       


Doc. : c Georges Ferney - Coll. C. Floquet

Venons en maintenant aux romans signés « Ferney », comme « Le Château Perdu » par exemple. Ce n’est
pas par hasard si son récit se déroule dans le Massif Central. En effet, aux premières heures de la guerre,
Georges se porte volontaire pour le combat et c’est dans cette région qu’il incorpore un bataillon de l’air.
Dans son roman Georges se décrit d’ailleurs d’une certaine manière. Ne ressemble-t-il pas au personnage
qui possède une Bugatti et qui survole les puys avec un Potez ? Mais oui, c’est bien lui !
Concernant « Le Château Perdu » : je souhaiterais, si vous le permettez, ouvrir une parenthèse afin de préciser,
pour ceux qui ne le savent pas, que lors de sa dernière réédition en 1989, ce roman fut très apprécié par les
membres de la profession littéraire pour son récit et sa qualité d’écriture. Il semble donc qu’après plus d’un
demi siècle d’existence ce roman n’ait pas trop mal vieilli ! Surtout quand on sait que « Le Château Perdu »
a été couronné, par un jury composé de journalistes et d’écrivains, du « Prix du Roman pour Enfants 1991 »
et qu’il sera, quelques mois plus tard, également récompensé par une médaille, c’est dire ... Aussi, lorsqu’un
jeune auteur écrit qu’il s’agit là d’un « mauvais remake du fastueux Fort Carillon et que l’ouvrage déçoit »,
ça laisse songeur. Voilà un point de vue très personnel qui apparemment ne semble pas être partagé par
tous. Ainsi de nos jours, on ne peut que se réjouir des commentaires envoyés par de jeunes lecteurs sur les
blogs comme « Les coups de coeur de Géraldine » ou celui de « Jeux de Piste » ... Je terminerai en citant
M. Jacques Scheer. Il précise, dans sa thèse intitulée « Signe de Piste et Scouts de France » présentée en juin
1983, qu’au même titre que « Le Bracelet de Vermeil », « Le Château Perdu » sera cité pour des travaux
scolaires.

                     


prix littéraire accordé au Chateau perdu en 1991


Il en sera de même pour « Le Prince des Sables » dont nous allons parler maintenant.« Le Prince des Sables »

obtient dès sa parution en décembre 1948 « Le Prix Larigaudie ». En 1954 il sera traduit en allemand (pour
les collectionneurs : dans cette version, sur les pages de rabat de la jaquette figure un portait de Georges Ferney
réalisé par le Studio Harcourt) et en 1955 il sera réédité en français. Dans ce roman, Georges s’inspire d’un
séjour en Algérie qu’il fait au début de l’été 1947, et notamment des vols effectués sur le massif du Hoggar et
le désert Sud Saharien.
Sur cet ouvrage, un universitaire a fait un amalgame que je souhaite éclaircir. Ce dernier impute à Madeleine
Gilleron, longtemps Directrice de l’antenne parisienne d’Alsatia, des pressions subies par Georges pour je le
cite : « imposer que le héros du roman soit le Général Leclerc ». C’est bien mal connaître Georges et totalement
faux ! Par contre, il est vrai qu’à la même période, Georges s’est beaucoup investi dans la réalisation de
la toute première biographie consacrée au Général Leclerc qui en novembre 1947 vient de s’éteindre.
Il est probable que Madeleine Gilleron exerça quelques pressions afin que cet ouvrage soit publié en
priorité et dans les délais les plus courts. Ils y parviendront et cette biographie, intitulée « Le Général Leclerc
vu par ses compagnons de combat », paraîtra aux Editions Alsatia en juillet 1948, soit plusieurs mois avant
la sortie du « Prince de Sables ». Voilà sans doute la raison de cette confusion.

                                     

Biographie du Général Leclerc parue aux Éditions Alsatia en 1948

- Pouvez-vous nous parler de ses multiples activités : homme d’affaires, photographe, pilote d’avion,
cinéaste, coureur automobile, journaliste, cuisinier ... Vous est-il possible de résumer sa biographie aussi
riche et sûrement emplie d’anecdotes ?

Il est difficile d’évoquer brièvement les activités de Georges. Son ami Serge Dalens nous a résumé le
personnage, avec une grande justesse empreinte de respect. Il est vrai que les multiples activités exercées par
Georges en véritable « pro » tout au long de sa vie sont très variées et s’il n’a pas fait tous les métiers, il comptait
bien d’autres cordes à son arc. Elles sont la parfaite illustration d’un homme au savoir-faire pluridisciplinaire.
Je vais maintenant vous en expliquer l’origine et le cheminement. Pour mieux comprendre, il nous faut suivre
les pas de Georges qui montre déjà, dès son plus jeune âge, des dispositions exceptionnelles. Il s’intéresse à
tout et la plupart de ses activités naîtront de ses différentes passions.
La photographie tout d’abord. Georges a tout juste dix ans lorsque, pour le récompenser de ses bons résultats
scolaires, ses parents lui offrent son premier appareil photo. Très peu de temps après et toujours pour la même
raison, le voilà équipé d’une « chambre noire », c’est-à-dire un agrandisseur et ses cuvettes. N’oublions
pas qu’à l’époque les négatifs sont encore sur plaque de verre. C’est donc très jeune qu’il se lance dans la
photo, appuyant sur le déclencheur de son appareil et développant lui-même ses tous premiers instantanés.
Le photographe est né ! Quelques temps plus tard, devenu photographe reporter, il couvre en image les
événements et s’empresse de courir les rédactions locales ou nationales pour faire publier ses clichés.
Toujours équipé de son appareil photo, Georges va, pendant plusieurs dizaines d’années, essaimer, dans la
presse de jeunesse, ses innombrables photographies. Passons au cinéma. Nous sommes en 1924, Georges a
15 ans et obtient brillamment son baccalauréat avec mention (en histoire et lettres antiques - latin et grec).
Ses parents pour le récompenser lui offre la panoplie complète du tout récent Pathé-Baby, avec caméra et
projecteur. Joli cadeau pour l’époque ! Et c’est grâce à ce matériel d’amateur que son goût pour le cinéma
voit le jour au début des années folles. Le 7ème art l’attire et le passionne. Il tourne et monte ses propres
courts-métrages. Bien sûr, dans ces années 1925/1930, Georges ne réalise que des films muets. Après guerre,
il en fera son métier. Il sera simultanément réalisateur, caméraman, scénariste, dialoguiste, ingénieur du son
et photographe de plateau ...

                                                    
L’oeil rivé derrière le viseur de son moyen format en 1978
Photo : c Christian Floquet

Ces deux passions révélées très jeunes ne le quitteront jamais. Il y a eu l’auteur de romans « Signe de Piste »
mais Georges sera avant tout un homme d’images. Il y consacrera une grande partie de sa vie.
Revenons à la fin des années vingt. Georges, qui pratique déjà de nombreux sports, est passionné de vitesse.
Il s’élance alors aux commandes de sa moto, une B.S.A. grosse cylindrée et participe à des compétitions. En
1931 lui vient un nouvel hobby, coûteux et surtout dangereux. Il fait l’acquisition d’une voiture de course,
une Bugatti « Type 35 », un monstre capable d’avoisiner les 200 kms/heure ! De nos jours ça n’impressionne
plus personne mais à l’époque c’était gigantesque ! C’est dans la cité phocéenne, à Marseille, et au volant
de sa Bugatti, que Georges participe à sa toute première course automobile. Il termine en seconde position ...
Fort de cet exploit, il décide de parfaire ses connaissances pour devenir un véritable coureur automobile. La
même année, il se rend à Molsheim, petite bourgade alsacienne située à quelques encablures de Strasbourg,
où se trouve le siège et berceau de cette marque devenue légendaire. Il m’a conté bien des fois son passage
à Molsheim où il a vu sortir des ateliers des modèles exceptionnels, comme une « Royale » acquise par
un riche industriel. Sa première rencontre : le grand patron de la firme, M. Ettore Bugatti lui-même coiffé
de son inséparable chapeau melon. Les premiers mots que ce dernier lui adresse resteront gravés dans la
mémoire de Georges : « Vous êtes venu pour apprendre à piloter et bien jeune homme, avec une Bugatti
on ne conduit pas on vise ! ». Il passe les premiers jours dans l’atelier de mécanique ... puis effectue ses
premiers essais sur les routes avoisinantes, au volant de ces fameux bolides. Une ficelle est tendue en travers
de la route. Élancé à 150 kms/heure, il lui faut freiner pour stopper son bolide dans les 10 derniers mètres
sans toucher la ficelle évidemment ! Toute la maîtrise d’un dérapage bien contrôlée car la voiture tourne sur
elle-même comme une toupie ... Heureusement à l’époque, la circulation n’était pas la même qu’aujourd’hui !

                                                    
Au volant, disputant une course automobile durant les années 30

Durant son séjour, Georges côtoie également Jean Bugatti et son jeune frère Roland, le carrossier Gangloff,
puis les pilotes confirmés de l’écurie comme Louis Chiron, Philippe Etancelin, Achille Varzi ... Ils lui
enseignent le « B.A. BA » du métier. Et quelques temps plus tard, le voilà enfin qui s’élance au volant de
bolides de l’écurie Bugatti, participant à plusieurs courses automobiles comme le Grand Prix de Nice,
de Nîmes ou de la Baule. Avant chaque départ, il se remémore les paroles de Monsieur Ettore ...
Georges possèdera d’autres Bugatti comme le très rare modèle de tourisme « Type 51 Atlantic », réalisé en
cabriolet deux places et carrossé par Gangloff. A dater de cette période, sa passion pour l’automobile et la
« belle » mécanique va occuper une grande place. Il possèdera différents modèles sports.

Parlons maintenant de l’homme d’affaire ou plus précisément du gestionnaire.
Georges, de son vrai nom Emmanuel Bonfilhon de Règneiris, est né fortuné. Parallèlement à ses activités
artistiques et sportives, au début des années trente il va devoir gérer sa fortune personnelle, le domaine de
Règneiris. Car dès sa majorité, enfant unique de la famille, il en devient l’héritier (les actes notariés
mentionnent 800 hectares de bonne terre, plantée d’oliviers, d’amandiers et de vigne, comprenant maison
de maîtres, fermages, dépendances et autres ...). Son diplôme de droit obtenu peu de temps auparavant
va lui être très utile car il doit en assurer la gestion. Mais Georges, ne se sentant pas la fibre d’un exploitant
vivant du rendement de ses terres, vendra le domaine quelques temps plus tard. Voilà donc l’origine de la
fortune de Georges pour ceux qui ne le savent pas ou que ça intéresse. Certains aspects de sa vie sont
hélas trop méconnus. Quelques auteurs se sont permis d’échafauder des hypothèses mentionnant une
provenance plus ou moins honorable de sa fortune. Leurs écrits ont valu au malheureux Georges divers
qualificatifs très désobligeants. Les voilà maintenant renseignés !

                                         
Photo : c Coll. Christian Floquet
Georges Ferney dans les années 30 contemplant son domaine de Règneiris

Toujours est-il que suite à la vente de son domaine, Emmanuel Bonfilhon de Règneiris, plus familièrement
appelé « Manu » par ses amis à l’époque, est un jeune homme riche. Il a vingt trois ans et comme tous
les jeunes de son âge, Georges est habité par une furieuse envie de vivre et de s’amuser.
Ce jeune homme brun aux yeux bleus délavés, doté d’une excellente culture générale, va alors mener grand
train. Tel un dandy à la vêture généreuse et élégante, il se met à fréquenter la haute société, côtoyant les touristes
venus s’encanailler dans les stations balnéaires du bord de la Méditerranée, princes souverains ou en
exil, riches industriels ... Le voilà accueilli en « habitué » dans les palaces de la Côte d’Azur. Il fréquente
assidûment les lieux festifs et les casinos, mais il ne joue pas et ne boit pas ! Toujours passionné par les belles
voitures et grâce aux portiers d’hôtel, il aura l’opportunité d’acheter, aux touristes malchanceux et appauvris,
différents véhicules luxueux comme on savait en fabriquer dans les années folles, la dernière Hispano,
une belle Duesenberg ou la nouvelle Delage ... Georges fait également plusieurs acquisitions immobilières,
une splendide villa en bordure du littoral varois, une résidence secondaire en Haute-Savoie, une propriété
surplombant les rives de la Dordogne, un pied à terre à Paris. Il s’offre un voiliers deux mats, avec lequel il
participe à différentes régates, et un canot rapide à moteur hors-bord, qui lui donne la possibilité de participer
à des compétitions. Il effectue également quelques belles croisières qui le mèneront outre-atlantique ...

                                          
Georges Ferney ( à l’extrême gauche ) à côté de son « Potez 36 »

Nous voilà maintenant au milieu des années trente et Georges décide de passer son brevet de pilote. Il fait
l’acquisition d’un avion de tourisme, un « Potez 36 » et c’est du petit aérodrome de Cuers-Pierrefeu qu’il
décolle pour effectuer ses déplacements, ce qui permet aux amis qui l’accompagnent d’effectuer leur premier
baptême de l’air ! Georges gardera toujours cette passion pour l’aviation et pilotera bien des aéroplanes.
Lors du Jamboree de 1947, il retrace avec Jean-Pierre Léon, pour le journal « Jamboree France », les
aventures des scouts de l’air en partance de Paris pour la forêt de Moisson. C’est bien entendu Georges
qui est aux commandes ! (Pour les collectionneurs : « Jamboree France » n° 12 du 17 août 1947).
Photo : c Coll. Christian Floquet Photo : c Coll. Christian Floquet

Mais revenons à l’homme d’affaire, car la vie fastueuse qu’il mène jusqu’au milieu des années trente a entamé
sérieusement sa fortune. Fort heureusement, il a durant cette même période fait quelques placements. Il devient
partenaire d’un établissement hospitalier dont il prend la direction, une maison de repos où une quarantaine
d’octogénaires achèvent paisiblement leur existence. Dans la seconde moitié des années trente, nous le
retrouvons au pied du Mont Blanc où il dirige un hôtel dont il est aussi actionnaire.
Puis après la guerre le voilà producteur. Il crée sa propre entreprise de cinéma « Les Studios Ferney » dont il
assure lui-même la gestion et la comptabilité. En fin de carrière, il sera secrétaire dans un cabinet d’avocats
parisien puis économe d’un établissement scolaire.

Venons en maintenant au cuisinier. Plus qu’une activité, c’est l’une des grandes passions de Georges. Ses
talents culinaires, que peu de personnes ont eu le privilège de pouvoir apprécier, sont à la hauteur de son
appétit « féroce » (il est grand amateur de viande) et c’est un fin gourmet ! Dalens les a évoqués à plusieurs
reprises ... Retournons à Chamonix, dans l’établissement dirigé à une certaine époque par Georges.
Nous sommes maintenant au milieu des années quarante et c’est désormais en « client reconnu » qu’il franchit
le seuil de l’hôtel. Un soir de réveillon, il remplace au pied levé le Chef cuisinier subitement tombé malade
et concocte, en deux temps trois mouvements, des mets raffinés pour l’ensemble des convives.
Cette anecdote, Dalens nous l’a raconté beaucoup mieux que moi (dans « La Fusée » n° 3) car la famille
Dalens était présente ce soir là !
Toujours est-il que se mettre « au fourneau » est pour Georges un réel bonheur et une distraction. Il réalise
avec un rare talent les plats simples comme les plus compliqués et ses pâtisseries sont divines ...
Ceux qui ont eu la chance d’être conviés à sa table s’en souviennent sûrement, tout comme moi !
       
                                 
Georges Ferney vu par Cyril en 1955 pour La Fusée
Dessin original :cc collection Christian Floquet

- Comment a-t-il rencontré René Clair ? et Robert Lynen ?

Il faut savoir que dans sa jeunesse, Georges va s’initier à l’art lyrique et au théâtre, fréquentant le petit cénacle
des artistes provençaux comme Fernandel, Raimu, Vincent Scotto, Jean Giono, Charpin, Raymond Pellegrin,
Mayol, Orane Demazis, Marcel Pagnol, Andrex ... avec lesquels il se lie d’amitié et qui lui dédicaceront
notamment plusieurs photos (on peut en apercevoir quelques unes dans une séquence des « Cent Camarades »,
lorsque l’oncle Antoine, chez lui, est derrière son bar en train de se préparer une boisson quelque peu originale
et décapante.

Au cours de l’année 1936, lors d’un séjour à Paris, Georges rend visite à Charpin sur les bords de la
Marne où s’effectue le tournage de « La Belle Équipe » de Julien Duvivier. De nombreuses vedettes sont
présentes sur le plateau. Charpin, qui interprète un gendarme dans le film, présente à Georges un
« jeune premier » prometteur pour le cinéma français, c’est Robert Lynen, jeune acteur qui court les castings
et avec lequel Georges va se lier d’amitié. Robert Lynen lui présente alors Annabelle, qui fut l’une des
actrices fétiches de René Clair dans « Le Million » et « Quatorze Juillet ». (Plus tard, elle sera même un
temps pressentie pour interpréter le rôle d’Irène Destal dans « Les Cent Camarades »). C’est donc par leur
intermédiaire que Georges fait la connaissance de René Clair. Ces rencontres avec le monde du cinéma
seront assurément à l’origine de l’attirance de Georges pour les métiers du 7ème art. Mais revenons à Robert
Lynen. Il deviendra l’un des compagnons d’armes de Georges en rejoignant la Résistance dans le sud de
la France. On connaît le destin hélas tragique du merveilleux interprète de « Poil de Carotte ».
Georges ne l’oubliera jamais. Je me souviens que dans son appartement quai d’Anjou, il avait suspendu,
bien en vue au dessus de sa table de travail, une photo conservée précieusement, représentant son regretté
ami Robert Lynen.


- Comment s’est passée son expérience au sein de l’équipe de la Calypso du Commandant Cousteau ?
A-t-il été lié à Pierre Labat qui trouva la mort lors d’une plongée sous-marine ?

Merci de me poser cette question qui va me permettre d’évoquer Pierre Labat, sa passion des fonds marins,
son amitié pour Georges, leur collaboration et leur expérience à bord de ce navire devenu légendaire
« La Calypso ». C’est au milieu de l’année 1948 que tout commence. Un jeune auteur soumet un manuscrit
au « Signe de Piste », il se nomme Pierre Labat et son premier roman s’appelle « Conrad ».
Le comité de lecture de la collection est composé à l’époque par cinq personnes, la directrice parisienne
d’Alsatia Madeleine Gilleron, plus communément appelée « Tante Mad », Maurice de Lansaye alias Jacques
Michel, directeur littéraire de la collection « Signe de Piste », ainsi que trois de ses auteurs qui assurent les
postes de conseillers littéraires. Ils se nomment Serge Dalens, Jean-Louis Foncine et Georges Ferney. Après
avoir pris connaissance du manuscrit, le comité de lecture est unanime et plus particulièrement nos trois
compères. Il faut publier ce roman dans la collection. Reste à trouver qui, parmi les dessinateurs du
« Signe de Piste », va illustrer ce nouveau venu. C’est Igor Arnstam qui en a la charge.

                                                 
Pierre Labat ( 1926-1955 ) par Georges Ferney en 1953
Photo : c Georges Ferney - Coll. Christian Floquet

Bien sûr et on le comprend aisément, Pierre Labat est déçu et même inquiet. Il aurait tant souhaité que
sa première publication dans la collection « Signe de Piste » comporte des illustrations de Joubert. Il faut
savoir que Pierre Labat vit en province, c’est un jeune avocat du barreau de Tarbes que Georges prend
instantanément en amitié. Ils échangent de longues lettres (on se téléphone guère à l’époque) afin que
Georges intercède auprès de Madeleine Gilleron pour la faire revenir sur ce choix. Mais « Tante Mad »
est une femme de caractère, elle mène ses affaires rondement et ne plie pas. Il faudra donc attendre 1961,
un an après la disparition de Madeleine Gilleron, pour que le roman « Conrad » soit réédité avec cette fois
des illustrations de Joubert ! Deux nouveaux romans naîtront sous la plume de Pierre Labat et viendront
enrichir la collection, « Le Manteau Blanc » puis quelques temps plus tard « Deux Ruban Noirs », tous deux
illustrés par Joubert également ! Georges se positionnera toujours, au sein de l’équipe du « Signe de Piste »,
comme un « grand frère » vis à vis de lui. Leurs correspondances le prouvent et démontrent que Pierre Labat
est avide de conseils. Sans doute se sent-il très isolé dans sa province lorsqu’il écrit ses ouvrages ou lorsqu’il
évoque à Georges un projet de film alors qu’il est embarqué à bord de « La Calypso » pour effectuer des
missions de plongées au fond des mers.
   
                               
                      Georges Ferney équipé pour plonger                                                        Georges Ferney sous l’eau caméra au point

N’oublions pas que Pierre Labat fut, aux premières heures de l’épopée Cousteau, l’un des membres de son
équipe de plongeurs. Ainsi, d’année en année l’amitié grandira entre ces deux auteurs du « Signe de Piste ».
Tout comme Georges, Pierre Labat est novateur, il aime le risque et le paiera de sa vie. Leurs échanges
épistolaires se poursuivront jusqu’à sa disparition hélas bien tragique. Néanmoins, quelques temps avant sa
disparition, l’occasion d’une collaboration Labat-Ferney leur est offerte par le Commandant Jacques-Yves
Cousteau, dont le navire est au mouillage au large de la Méditerranée. Nous sommes au tout début des
années cinquante. Pierre Labat, qui on le sait est chef scout d’une troupe marine, embarque sa patrouille
de jeunes raiders à bord de « La Calypso ». Elle se compose d’une trentaine d’ados entre treize et seize ans.
C’est d’ailleurs à ce moment là que Pierre Labat crée le premier groupe de plongée sous-marine des
Scouts de France. L’ami Georges est là aussi bien sûr, Leica en bandoulière et caméra au point. Une grande
partie des clichés réalisés à cette occasion serviront à illustrer le récit de Pierre Labat « Le Merveilleux
Royaume ». Par amitié, Georges en rédige d’ailleurs le résumé et on lui doit également une grande majorité
des photos qui figurent dans l’ouvrage, ainsi que le portrait de Pierre Labat sur les pages de rabat de
la jaquette. Il faut noter qu’à l’époque, de tous les romans publiés dans la collection, cet ouvrage est le
premier « Signe de Piste » sans dessin mais illustré de photographies (il faudra attendre le milieu des
années 70 pour voir réapparaître dans la collection des ouvrages illustrés de photos). Quelques mois après
la disparition de Pierre Labat, cet ouvrage sera traduit en anglais et intitulé « The Marvellous Kingdom ».

En cet été 1953, Georges s’équipe et plonge en compagnie de la jeune troupe de scouts-marins de Pierre
Labat. Muni de sa caméra qu’il emmène sous l’eau à 70 mètres de profondeurs, il filme les splendeurs que
recèlent les fonds marins, sa faune, sa flore, ses cathédrales rocheuses et ses épaves englouties. Mais les
moyens techniques de l’époque ne sont pas ceux d’aujourd’hui et filmer dans l’eau sous-entend avoir résolu
préalablement un certain nombre de problèmes techniques. Notamment celui de la prise de vue qui consiste
à placer la caméra dans un caisson étanche pour la protéger de l’eau et des pressions qu’elle exerce. Alors,
afin de pouvoir filmer en toute quiétude les scènes aquatiques, Georges, qui par ailleurs est très adroit
de ses mains (il réalisait parfois certains décors de ses films), va concevoir lui même ce fameux caisson.
Et grâce à cela, il pourra remonter à la surface plusieurs centaines de mètres de pellicules couleurs
tournées dans les profondeurs de la Méditerranée.

           
                Sous le « Casque étanche »                               Équipé du « Donald »                                    revetu du narguilé Cousteau                          

Mais il faut également penser à équiper notre jeune troupe de plongeurs ...

Pierre Labat, qui est un pionnier de la plongée sous-marine, fait réaliser préalablement, pour l’occasion et
par sa patrouille, le matériel nécessaire à l’exploration des fonds marins, conçu en grande majorité avec
des éléments de récupération. Ainsi, avec un vieux masque à gaz et une pompe à vélo ils fabriquent de
leurs mains un « Donald » qui leur permettra de respirer sous l’eau. Sa troupe conçoit également dans une
caisse une sorte de casque étrange dans lequel est placé un téléphone, afin de pouvoir communiquer avec
la surface lors de leurs explorations sous-marines. Le Commandant Jacques-Yves Cousteau met également
du matériel à la disposition de nos jeunes scouts-marins ... plusieurs exemplaires du narguilé qui porte son
nom ainsi que quelques bouteilles d’oxygène, afin que la nouvelle troupe puisse explorer les fonds marins.
De cette belle aventure, Georges tire un film intitulé également « Le Merveilleux Royaume ». Il commence
par une scène filmée dans l’appartement parisien d’un de ses amis passionné d’art, qui possédait une très
belle collection de meubles et bibelots du XVIIème et XVIIIème. siècle. Là, tel un dessin de marine signé de
la main de Pierre Joubert, un jeune adolescent, vêtu d’un costume de corsaire façon XVIIIème., semble rêver
aux galions d’antan. Fondu enchaîné ... et nous voilà de nos jours au large de Toulon, avec les scouts-marins
de Pierre Labat à bord de « La Calypso ». Cette adaptation cinématographique d’une durée de trente cinq
minutes est commentée au micro par Pierre Labat lui même. Elle relate en images les aventures aquatiques de
la 1ère troupe de plongée sous-marine des Scouts de France. Réalisé grâce à cette collaboration Labat-Ferney,
c’est également le second film tiré d’un ouvrage paru dans la collection « Signe de Piste » qui sera réalisé
par Georges. Il sort sur les écrans au début de l’année 1954 et donnera lieu à plusieurs rédactionnels
agrémentés de photographies signées Georges Ferney, qui seront publiés dans des revues de jeunesse de
l’époque (« Le Journal de Tintin » - n° 276 de février 1954 et le magazine « Scout » - n° 290 de mars 1954).
Le film sera projeté au public à plusieurs reprises jusqu’à la fin des années cinquante. On connaît la suite,
Pierre Labat l’a lui même écrite en 1952 pour les jeunes lecteurs du premier numéro de « La Fusée ».
Je le cite : « Toute conquête veut qu’on la paye. Non point seulement par de l’argent, du temps, des efforts, mais
aussi par des vies humaines. » Il ne croyait pas si bien dire. Peu de temps après la sortie du film, il sera
malheureusement le propre acteur de ses écrits.

                                             
Photos : c Georges Ferney - Coll. Christian Floquet

Nous sommes au milieu de l’été 1955 lorsque l’équipe du « Signe de Piste » apprend la tragique disparition
de Pierre Labat. Il venait tout juste de fêter ses vingt neuf ans. Au nom de tout le « Signe de Piste », un article
de presse paraîtra dans « La Fusée n° 3 », rédigé sous la plume de celui qui, parmi tous les auteurs de la
collection, le connaissait le mieux pour lui rendre hommage. Vous l’avez compris, c’est son ami Georges
qui annoncera aux lecteurs et aux admirateurs de Pierre Labat cette bien triste nouvelle.

Pierre-André Bernard, alors jeune scout-marin de la troupe de Pierre Labat, lui dédiera quelques années plus
tard son premier roman « Le Bachi » paru dans la collection « Signe de Piste » en 1961, qu’ils avaient convenu
d’écrire ensemble et dont ils avaient rédigé les grandes lignes deux jours avant sa disparition ...
Il est hélas bien trop vrai qu’aujourd’hui, Pierre Labat comme Ferney d’ailleurs « figurent parmi les grands
oubliés du « Signe de Piste », comme l’a écrit un jeune auteur dans un album paru il y a quelques temps,
qui retrace les travaux de Pierre Joubert réalisés pour la collection.
De nos jours, deux troupes scoutes, l’une tarbaise et l’autre strasbourgeoise, portent le nom de Pierre Labat
et on peut également se rendre près de Toulon où, sur le rocher des « Deux Frères », lieu de sa disparition, une
plaque commémorative lui rend hommage.
Mais l’heure de raviver les mémoires a peut-être sonné car quelques historiens viennent de nous retracer la
longue épopée des scouts-marins depuis leur création. L’un d’eux a une très belle phrase pour évoquer
Pierre Labat. Il s’agit d’Antoine Chataignon, qui dans son ouvrage parle d’une « figure attachante qui mérite
qu’on si attarde ». C’est tellement vrai ...

                                   

- Pour avoir écrit « La Ménagerie », Georges Ferney avait une expérience du scoutisme ?

Ce sera plus qu’une expérience car il en appliquera bien des principes tous au long de sa vie, quelque soit
les situations. Il adoptera d’ailleurs le prénom de Georges, faisant ainsi référence au Saint Patron des scouts
choisi à l’origine par Lord Baden Powell ... Mais voyons plutôt comment il intègre le mouvement et son
parcours chez les scouts !


Georges Ferney en tenue de chef scout vers 1930

Georges naît en 1909. A la fin de la guerre 14-18, sa famille quitte « Règneiris » et les Bouches-du-Rhône
pour aller s’installer dans une petite localité du département voisin en bordure du littoral varois, La Seyne-sur-
Mer. Georges a dix ans et poursuit sa scolarité dans un établissement tenu par des Pères Maristes. En 1922,
le scoutisme en France n’est encore qu’un mouvement naissant mais en pleine ascension et les jeunes
provençaux y sont très attentifs. Je crois savoir que dans ce même établissement, quelques années auparavant,
un jeune varois y était lui aussi scolarisé. Mais en cette année 1922, celui-ci vient tout juste de rallier les scouts
de France et deviendra une des figures incontournables des scouts-marins dans la région Paca, c’est un certain
Pierre Grimaud. Il me faut également évoqué un autre personnage de nos jours oublié de tous et qui fut, à cette
même époque et jusqu’au deuxième conflit mondial, Commissaire Scout de toute la région provençale. C’est
le Général Valdant, grand ami de la famille Bonfilhon de Règneiris, qui fut un des anciens compagnons
d’armes du Général de Maud’huy et du Général Guyot de Salins, durant la première guerre. Ce vieil aixois
barbichu figure sur de nombreux clichés qui me viennent de Georges. Il est fort probable que ce soit le
Général Valdant qui incita le jeune Bonfilhon de Règneiris à devenir scout. Toujours est-il qu’à la fin
de l’année 1922, Georges intègre le mouvement et fait sa promesse. Il a treize ans. C’est là qu’il fait
la connaissance de Pierre Grimaud et ils deviennent amis. En 1926, il semble avoir gravi les échelons du
scoutisme, il est nommé (A. S. M.) Assistant Scoutmestre de la 1ère La Seyne. L’année suivante, nouveau
déménagement, la famille s’installe à Toulon. Il a dix huit ans et le voilà Assistant Scoutmestre de la
4ème Toulon. En novembre 1927, Georges, accompagné du Général Valdant, se rend au Camp École de
Chamarande, pour passer la première partie des épreuves afin de devenir Scoutmestre. Il emmène bien sûr
dans ses bagages son matériel photo ! Un grand nombre de pères fondateurs et de personnalités du mouvement
sont présents, le Père Jacques Sevin, Édouard de Macédo, Janine Chabrol, le Chanoine Antoine Cornette,
Véra Barclay, l’abbé d’Andréis, Georges Ritleng, le Père Paul Doncoeur, Albertine Duhamel, Pierre Delsuc,
Maurice de Lansaye, Paul Coze ...

Parallèlement à ce concours que Georges réussit avec brio, bien des troupes scoutes venues des quatre coins
de l’hexagone sont présentes à « Cham ». Parmi elles, il en est une parisienne devenue célèbre dans les
annales du scoutisme et du « Signe de Piste », ce sont « Les Lévriers » dont fit partie un certain Pierre Joubert.
Georges, on s’en doute, profite de l’occasion pour fixer sur la pellicule tous ces personnages.
Bien des années plus tard, en 1984, alors que Georges nous a quitté depuis peu, Pierre Joubert, en quête de
clichés pour illustrer la première édition de ses mémoires « Souvenirs en Vrac », me sollicitera pour y faire
figurer une photographie prise par Georges au Camp École de Chamarande et où Pierre Joubert figure au
côté de Paul Coze. Ne le cherchez pas ! Ce cliché ne fait pas partie des visuels de l’ouvrage ...
En fait, le décès subit de Georges en 1982 m’ayant contraint à entasser à la hâte toutes ses archives picturales,
ses papiers divers et son mobilier dans un container en partance pour un garde meubles en lointaine banlieue,
je n’ai pu accéder à sa demande. Mais retournons à Chamarande, où finalement la présence de Georges bardé
d’appareils photos lui vaut d’être remarqué par les rédacteurs des revues scoutes de l’époque. Son examen
réussi, il quitte « Cham » avec dans ses valises, bon nombre de pellicules à développer et un tirage
18 x 24 représentant le Père Sevin en tenue scout, signé de sa main. Par ce geste, Jacques Sevin a-il voulu
récompenser notre jeune scout ? Peut-être ... En tout cas, Georges conservera cette photo toute sa vie.
Au milieu de l’année 1928 Georges change de troupe. Toujours à Toulon, il passe Assistant Scoutmestre de
la 5ème Sire-de-Joinville, aux foulards gris bordés de rouge et au fanion des perdreaux, plus communément
nommée la 5ème Troupe terrestre des perdreaux de Toulon ou plus simplement la 5ème Toulon. Ce sera sa
troupe jusqu’à la seconde guerre mondiale. Mais comme je viens de le dire, Georges est remarqué à
Chamarande. Tout en poursuivant sa collaboration avec Grimaud (dit « Renard silencieux ») démarrée au
milieu des années 20, dans la revue régionale « Le Bas Var aux Escoutes » très active à l’époque, Georges
va commencer à être publié dans les autres magazines scouts.


Autoportrait pour illustrer un de ses articles
paru dans la revue « Le Scout de France »

Tout d’abord « Le Scout de France ». La revue n’a pas atteint ses cent premiers numéros qu’on y voit déjà
des photos de Georges. Les toutes premières sont anonymes, ensuite elles seront signées de son patronyme.
Il devient très vite un des correspondants de la revue. Il y fait même ses premiers pas de journaliste, rédigeant
des articles sur la technique photographique qui sont illustrés par ses propres clichés. Oui Monsieur !
Ils paraîtront tout au long de l’année 1930 sous forme de feuilletons et seront signés modestement de ses
initiales et du nom de sa troupe (E. B. 5ème Toulon). Parmi les clichés qui y figurent, on peut découvrir un
autoportrait de Georges en scout, dans son laboratoire et devant son agrandisseur, en train de réaliser un tirage.
Georges va également, avant-guerre comme après-guerre d’ailleurs, collaboré à d’autres revues scoutes
comme « La Route, Le Chef, Jamboree France, Scout, Les Foulards Verts ... ».

              Les
                 
les numeros de la revue "Le scout de France" dans lesquels furent publiés en 1930, ses articles et ses photographies

Bref, les photos et rédactionnels de Georges vont animer ces parutions pendant plusieurs décennies.
Et tout au long de sa carrière de photographe de presse, Georges sera aux côtés de confrères qui font partie
des grands noms de l’imagerie photographique du scoutisme français comme Jos Le Doaré, Karel Egermeyer,
Robert Manson ...
Il sera présent à de nombreuses manifestations marquantes du scoutisme, dont il immortalisera les instants
sur sa pellicule ou qu’il relatera sur le papier. De 1929 à 1951, il sera le témoin de plusieurs Jamboree.
Dans sa préface pour « Fort Carillon », Dalens nous informe même que sa première rencontre avec Georges
date de 1933 en Alsace, où se déroule un de ces rassemblements. On pourrait évoquer encore fort longtemps
le parcours de Georges chez les scouts ... mais parlons maintenant de « La Ménagerie ».
Cet ouvrage, entamé parallèlement à « Fort Carillon » pendant sa période de résistant, est accueilli avec
satisfaction par le public dès sa sortie en 1946. Dans son récit, les événements tragiques alternent avec la
bonne humeur et l’entrain des personnages. Les garçons sont bien réels avec leurs défauts, mais aussi de belles
qualités de camaraderie et de loyauté (propos cités d’après un texte de l’époque de la ligue féminine
d’action catholique). D’ailleurs de nos jours, il a été écrit « Dans La Ménagerie, Georges Ferney aborde les
problèmes de délinquance avec poésie ».

                 

« La Ménagerie »
Dessin : c Robert Gaulier

Il est vrai que les événements, lieux, personnages et situations, sont issus de l’expérience de Georges en tant
que chef scout, les bivouacs et les camps faits avant-guerre avec la 5ème Toulon dans les Alpes. Quant au
groupe de jeunes qui s’écartent du droit chemin sous l’influence d’un chef de bande animé de vengeance,
il affirme dans son avant-propos que tous ont réellement existés. A ma connaissance, en bon romancier plein
d’indulgence, il a transposé les lieux, car cette ménagerie a vraiment existé dans le midi de la France.
C’est, me semble-t-il, le premier « Signe de Piste » à évoquer ouvertement la délinquance juvénile, dans
une intrigue où le scoutisme joue un rôle important. Il fallait oser à l’époque ... mais quelle lucidité !

       

Je tiens également à souligner que les quatre premiers romans d’aventures publiés par Georges dans la
collection « Signe de Piste » sont entremêlés de scoutisme : « La Ménagerie » comme nous venons de le voir,
avec la troupe des « Moineaux » bivouaquant aux abords de Chamonix, mais également « Fort Carillon »
où la patrouille des « Castors » s’embarque à bord du « Gabian » pour une longue traversée qui les emmène
outre-atlantique, puis « Le Château Perdu » où la troupe des « Loups » part camper au coeur du Massif
Central et enfin « Le Prince des Sables », le jeune Slimane faisant bien sûr partie de la patrouille des
« Gazelles » de la 1ère d’Alger.
De nos jours, un proche de la collection qui connaît bien le « Signe de Piste » a dit, dans un entretien accordé
à un journaliste : « Ferney est un génie intersidéral du roman scout ». Il ne croit pas si bien dire ...

- Comment a-t-il rencontré les éditions Alsatia et le « Signe de Piste » ?

Georges a connu la collection « Signe de Piste » par l’intermédiaire de son frère scout Maurice de Lansaye,
alias Jacques Michel en littérature, qui est entre autre l’auteur de la préface du « Bracelet de Vermeil ».
N’oublions pas que Jacques Michel fut dès la fin des années vingt à la tête de la revue « Le Scout de France ».
Il a lui aussi, tout comme Georges et pendant la même période, fait paraître en feuilletons ses récits de
« L’aventure du roi de Torla » avant qu’apparaissent, durant les années trente dans la revue, des aventures
écrites par d’autres rédacteurs comme Guy de Larigaudie, Georges Cerbelaud-Salagnac, Pierre Delsuc,
Louis Simon, etc ...
Tous ces auteurs, dont les romans seront ensuite publiés dans la collection « Signe de Piste », Georges les a
connus avant-guerre, bien antérieurement à la sortie en 1944 de son premier roman « Fort Carillon », qui va
jeter les bases de son style littéraire et imposer d’emblée Georges Ferney comme l’un des grands auteurs de la
collection. En effet, Maurice de Lansaye qui, aux premières heures du « Signe de Piste », dirige la collection,
à la lecture du manuscrit de « Fort Carillon », ne s’y trompe pas, la qualité littéraire est là. « Tante Mad »
non plus d’ailleurs. Elle va instantanément encourager ce jeune auteur talentueux à poursuivre une carrière
littéraire et ce premier roman va connaître un réel succès auprès des jeunes lecteurs.
Immédiatement, Madeleine Gilleron prend Georges en amitié et lui confie des responsabilités.
Ah « Tante Mad » ! il m’en a souvent parlé ...
Ainsi dès la libération, Georges intègre l’équipe dirigeante de la collection « Signe de Piste ». Ça commence
par sa présence quasiment quotidienne à la réception de la clientèle à la librairie « Au Signe de Piste » rue
Garancière à Saint-Sulpice, dont il va s’occuper jusqu’à la fin des années quarante. Ensuite il se consacrera
plus volontiers au cinéma. Nous sommes donc au début de l’année 1945, bien avant que Jean-Louis Foncine
soit nommé directeur de cette librairie car il n’en prendra la direction qu’au début des années cinquante.
Foncine à l’époque s’occupe essentiellement de la revue « Scout » et au début de 1946, il devient directeur
littéraire d’une collection parallèle au « Signe de Piste » lancée par les Éditions Alsatia, destinée à l’origine
aux jeunes adolescentes, la collection « Joyeuse » qui ne remportera d’ailleurs pas un énorme succès
auprès du public féminin. Quant à Serge Dalens, à cette période il n’est encore qu’un jeune magistrat en
poste dans une lointaine province. Dès 1945, Georges va avoir en charge de mener à bien de nombreuses
tâches pour le « Signe de Piste ». L’organisation de la librairie, son agencement et le réassort des ouvrages,
l’orchestration des séances de dédicaces pour les jeunes lecteurs, comme celle qui se déroulera quelques
temps plus tard durant le Jamboree de Moisson, dont il sera également l’un des chroniqueurs pour le
quotidien « Jamboree France ».


Jacques Michel sur le stand d’Alsatia en 1946/47

A cette occasion, Georges fait la connaissance de Bruno Saint-Hill. Peu de temps après, Georges lui apportera
quelques conseils littéraires pour la rédaction de son premier roman « Tempête sur Nampilly » et
Bruno Saint-Hill s’en souvient encore ! Georges rencontre également Bertrand Poirot-Delpech, Jean-Claude
Alain et Dachs, qui deviendra l’un de ses collaborateurs dans son entreprise cinématographique et qui est
pour l’heure lui aussi l’un des chroniqueurs du quotidien « Jamboree France ». Parallèlement aux fonctions
que je viens d’aborder, au début de l’année 1945, « Tante Mad » confie également à Georges le poste
de conseiller littéraire au comité de lecture de la collection. Durant de nombreuses années, il sera au
« Signe de Piste » la personne incontournable qu’il faut absolument consulter et pratiquement tous vont
le solliciter pour ses conseils et ses connaissances historiques. Ce poste de conseiller littéraire va permettre
à Georges de révéler ses multiples talents. On a écrit de lui qu’il était « l’éminence grise de la collection,
un personnage époustouflant d’érudition, que ses connaissances étaient quasi encyclopédiques et qu’il
réécrivait les manuscrits défectueux ».

Tout est parfaitement exact ! Il commence donc par corriger les épreuves des ouvrages avant leur impression
définitive. Puis, lors de la rédaction de certains romans, il apporte ses précieux conseils littéraires et son aide
à plusieurs auteurs en manque d’inspiration ... On lui doit également, au milieu des années cinquante,
l’adaptation d’un roman « Signe de Piste », paru à l’origine dans la collection allemande des Editions
Alsatia nommée « Spurbücher », en collaboration avec Jean d’Izieu qui maîtrise parfaitement la langue
germanique et n’intervient que pour traduire son contenu original. Une fois l’ouvrage traduit mot pour mot
en français, Georges s’attelle à l’adaptation du roman ... la forêt noire devient sa Provence natale et il en fait
un roman d’aventures qui se déroule à Marseille, ville que Georges connaît si bien. Ce roman s‘intitule
« Les Chasseurs de Fantômes ». Aujourd’hui il fait partie des classiques de la collection « Signe de Piste »
et lui non plus n’a pas vieilli. Je crois même qu’il a été réédité il n’y a pas si longtemps !
Georges fournira également plusieurs instantanés à ses amis graphistes de la collection, en quête de modèles
pour leurs illustrations. Et depuis des décennies, leurs dessins réalisés à partir des images de Georges
ornent la couverture ou les pages intérieures de certains « Signe de Piste » bien connus de nos lecteurs !
Ce qui est sûr, c’est que le succès notoire remporté par certains romans, devenus d’ailleurs des grands
classiques de la collection, atteste que leurs auteurs à l’époque ont suivi scrupuleusement les conseils
rédactionnels prodigués par Georges ou parfois sollicité sa plume ... Dans les archives léguées par Georges,
certains documents permettent d’en témoigner, car tel un chartiste il conservait tout vous savez. Sans doute
avait-il l’intention tôt ou tard de nous relater quelques uns de ses souvenirs.
Quel talent et quelle générosité ce Georges ! Même si cela a suscité chez certains bien des convoitises ...

                             

                     

Tête de lettre des Éditions Alsatia dans les années 40

Mais revenons à la fin de l’année 1945, où nous retrouvons notre Georges « gourmet ». Il est bien évidemment
présent, avec toute l’équipe du « Signe de Piste », lors du dîner annuel organisé par M. Pierre Schmidt-le-Roi,
Président des Éditions Alsatia, qui se tient dans un grand restaurant parisien. Georges va d’ailleurs participer
à la réalisation de la plaquette souvenir de cet événement où seront présent nombre de personnages illustres
de l’histoire du « Signe de Piste ». Georges m’a également si souvent raconté les fameux dîners littéraires,
organisés à l’époque par « Tante Mad » dans son appartement de Boulogne et où, parmi les quelques
élus conviés, il se retrouvait aux côtés du Maréchal De Lattre, Mgr Rodhain, Arnaud de Corbie, Marie
Moreau-Bellecroix, Joëlle Danterne, Robert Gaulier, Jean-Louis Dubreuil, Claude Appell, Serge Dalens,
Louis Chaigne, Cyril et Igor Arnstam ...
Et lorsque Georges évoquait ces soirées, c’était pour lui d’agréables souvenirs !

- Quels ont été ses rapports avec le duo Dalens-Foncine ?

Bien que leur destinée fut étroitement liée au Signe de Piste, il me faut évoquer distinctement Dalens et
Foncine car du fait de leur personnalité respective, leurs rapports avec Georges ne furent pas les mêmes.

Commençons par Jean-Louis Foncine si vous le voulez bien. Georges fait sa connaissance au « Signe de Piste »
évidemment, durant l’hiver 1944/45 et tout au long de sa vie, leurs échanges seront confraternels bien sûr
mais aussi amicaux. Foncine n’est encore qu’un tout jeune auteur à l’époque avec seulement deux ouvrages
parus dans la collection, « La Bande des Ayacks » publié avant-guerre puis viendra, malgré la pénurie de
papier et les événements tragiques du second conflit mondial, « Le Relais de la Chance au Roy » illustré par
Cyril Arnstam, sorti en librairie durant l’occupation. Aux premières heures de la libération en 1945, Foncine
devient rédacteur en chef du journal « Scout », dont les salles de rédaction se trouvent dans l’enceinte du
quartier général des Scouts de France situé à l’époque boulevard de Montmorency à Paris. En novembre de
cette même année, alors que Georges vient de terminer la rédaction de « La Ménagerie », Jean-Louis Foncine
sollicite Georges afin de pouvoir publier en feuilleton, dans « Scout », des extraits de « La Ménagerie ».
Georges décline cette proposition, préférant le public des jeunes lecteurs du « Signe de Piste ». Puis au
printemps 1946, Jean-Louis Foncine relance Georges, mais pour la collection « Corsaire » cette fois, dont
Foncine vient de prendre la direction et dans laquelle seront publiés certains auteurs du « Signe de Piste »
comme Serge Dalens et Louis Simon avec « Les Aiglons de Montreval ». Foncine écrit à Georges, je le cite :
« Je serais très heureux qu’un livre de vous y prenne place ». Mais Georges déclinera à nouveau sa proposition
et restera fidèle au « Signe de Piste». Bien évidemment, Georges sera convié bien des fois chez M. et Mme
Lamoureux, dans leur appartement parisien du 13 rue de Tournon, sans compter les nombreuses fois où
Georges sera reçu dans leur résidence secondaire de Malans. Et lorsque le film scout « Antoine Chef de
Bande », tourné durant l’occupation et réalisé d’après un scénario de Jean-Louis Foncine, sort sur les écrans
au tout début de l’année 1949, et bien c’est son compère Ferney que Foncine dépêche pour se charger de
la promotion du film et la location de ses copies. Il est vrai que le producteur de ce film (Pierre Sellier) vit
à Orléans et il lui est quasiment impossible d’en assurer depuis sa province le lancement et la promotion.
Foncine et Ferney collaboreront d’ailleurs un temps à la librairie « Au Signe de Piste » vers la fin de l’année
1949. Foncine acceptera bien volontiers de jouer un rôle dans le tout premier film « Signe de Piste » réalisé
par Georges « Les Cent Camarades ». En 1950, alors que Jean-Louis Foncine vient tout juste de prendre
la direction de la librairie de Saint Sulpice, il en ouvrira les portes tout un dimanche pour le tournage
d’une séquence de ce film. D’ailleurs Georges, en 1954, le relate dans un article rédigé pour les lecteurs la
« Fusée n° 2 », intitulé « Souvenirs vécus par Georges Ferney dans les coulisses du premier film Signe de
Piste ». Comme je viens de le dire, Georges se rend maintes fois en Haute-Saône, dans le fameux « Pays
Perdu » comme l’avait si magnifiquement baptisé Foncine et où, c’est bien connu, ce dernier organisait,
presque à chacun de ses séjours, des camps scouts avec de fameux jeux de piste. On le sait, il en était féru
et son ami Valbert également. D’ailleurs Georges en tirera un ouvrage, manuscrit lui aussi inédit, dans
lequel il nous relate ces camps scouts du début des années cinquante organisés par nos auteurs du « Signe
de Piste ». Et parmi les clichés qui me viennent de Georges, de nombreuses images témoignent de ces
différents séjours à Malans où sur plusieurs instantanés on reconnaît Jean-Louis Foncine, Serge Dalens
et Jean Valbert bien sûr, mais aussi Pierre Joubert, Bruno Saint-Hill, Dachs, Jean d’Izieu ...

 
« Le Prince des Sables »Traduction allemande 1954« Le Prince des Sables »Édition française 1955

Enfin toute une pléiade de personnalités du « Signe de Piste » de l’époque. Puis durant l’année 1954, alors
que Georges achève le tournage des « Cent Camarades », ses deux amis, Dalens et Foncine, sont nommés
par les Éditions Alsatia pour remplacer Jacques Michel à la direction de la collection « Signe de Piste ».
C’est assurément les activités cinématographiques de Georges avec les « Studios Ferney » qui feront
obstacle et entraîneront son refus de prendre la direction de la collection « Signe de Piste ». Mais dès la
nouvelle nomination de ses deux compères, l’ouvrage de Georges « Le Prince des Sables » sera traduit en
langue germanique. Puis l’année suivante, on le verra réédité en français. Cette même année, nos deux
nouveaux directeurs confient à Jean d’Izieu et à Georges, l’adaptation en français du roman de Werner
Hornemann « Les Chasseurs de Fantômes ». Mais tout au long des années cinquante, Georges va plus
volontiers se consacrer au 7ème art qu’à la littérature. De nombreuses créations cinématographiques réalisées
par ses clients passeront par « Les Studios Ferney » pour être montées ou sonorisées car Georges, ne
l’oublions pas, fut aussi ingénieur du son.


studio Harcourt en 1954


D’ailleurs au milieu des années cinquante, alors que le tournage des « Cent Camarades » est achevé
depuis peu, Georges quitte son appartement du village d’Auteuil pour installer « Les Studios Ferney » au pied
de la butte Montmartre, dans un local plus spacieux (une sorte de loft). Dans ce bel espace, il installe une
agence et un laboratoire photographique, un auditorium de doublage, une cabine et une salle de projection.
C’est d’ailleurs là qu’aura lieu la toute première projection publique des « Cent Camarades ». A cette époque,
Georges sera très sollicité par ses confrères du « Signe de Piste » car nombre d’entre eux côtoient le
réalisateur de la collection et attendent que celui-ci tente l’aventure en réalisant un film tiré de leur propre
ouvrage. Certaines dédicaces lui sont faites, suggérant habilement que dans l’éventualité où le cinéaste
de la collection (alias Georges Ferney) trouverait l’histoire de leur dernier opus « Signe de Piste »
digne d’être portée à l’écran, ils en seraient très honorés. Mais avançons un peu dans le temps et
revenons à Foncine qui bien plus tard, au milieu des années 70, insistera, auprès du comité de lecture du
« Signe de Piste », pour que soit publié dans la collection le roman de Georges « Les Fils de la Cité ». Je me
souviens également de la présentation du dernier film « Signe de Piste » que je connaisse, un long-métrage
intitulé « Hier la Liberté », avec derrière la caméra Jean-François Pays, co-auteur du roman avec Foncine.
Et bien, pour sa première projection publique en janvier 1978, nous étions là tous les deux avec Georges,
invités sur bristol par le sire Foncine. Je me rappelle d’ailleurs qu’à cette occasion, Foncine ne manqua pas
de questionner Georges, le priant de bien vouloir lui fournir quelques conseils pour promotionner ce film.
Sans oublier les innombrables fois où j’ai eu l’occasion de voir Foncine venir quai d’Anjou. Oui Monsieur !
Ses visites chez Georges étaient fréquentes et d’ailleurs, les échanges de ces deux vieux bavards n’en
finissaient pas, cela pouvait durer des heures ! Ils ont même commencé ensemble, mais il y a fort longtemps
et vraisemblablement à la fin des années quarante, la rédaction d’un manuscrit, oui une sorte de
divertissement théâtral scout. Tiens cela me rappelle qu’au milieu des années 80, j’ai confié à Foncine un
manuscrit rédigé par Georges et dont l’histoire se déroule à la fin du XVIIIème siècle ...


Passons maintenant à Monsieur Le Comte, alias Serge Dalens. Entre eux naîtra une belle amitié qui durera plus
d’un demi siècle. Comme je l’ai dit précédemment, Dalens et Ferney se sont rencontrés au début des années
trente et leurs retrouvailles auront lieu au « Signe de Piste » au milieu des années quarante. La collection n’en
est encore qu’à ses débuts avec à peine un quinzaine de titres publiés. Dans ces années là, Yves de Verdilhac,
alias Serge Dalens, qui parallèlement à sa carrière littéraire était magistrat, est alors nommé dans le Vaucluse
comme substitut du Procureur de la République au Parquet d’Orange. Et bien savez vous où il habitait alors ...
chez Georges ! Ce dernier, parisien depuis peu, avait mis à la disposition de son ami sa résidence dans le midi
et c’est dans celle-ci que le jeune magistrat logera durant tout son séjour. C’est également dans la villa de
Georges que Dalens rédigera, durant les années 1946/47, l’un des tomes de son immortelle saga du « Prince
Éric ». En effet, prenez leur roman respectif « La Tache de Vin » et « Le Château Perdu », ouvrez-les aux
dernières pages de leurs récits et vous pourrez constater que leurs rédactions se situent toutes deux en partie à
Cassis-sur-Mer et à la même période. D’ailleurs la villa « Stella-Maris », où se déroule une partie du récit de
« La Tache de Vin », existe réellement. C’était à l’époque la demeure contiguë à celle de Georges. Il est fort
probable que les aînés des enfants de la famille Dalens se souviennent de leurs séjours sous le soleil de Cassis !
Dalens témoignera envers Georges une amitié fidèle, du vivant de ce dernier comme après sa disparition. Lui
aussi acceptera un rôle dans « Les Cent Camarades », son épouse également. Il prêtera même son appartement
de l’avenue Henri Martin à l’équipe du tournage ! Il sera bien évidemment reçu maintes fois chez Georges.
Tenez, quelques anecdotes ... Durant l’été 1954, alors que le tournage des « Cent Camarades » vient à peine
de se terminer, Georges et son équipe décident de prendre quelques jours de repos bien mérités avant d’entamer
la postsynchronisation du film. Il se fait prêter une résidence par une famille bien connue du monde de
l’édition du roman scout, la Maison De Gigord. Georges s’y rend accompagné d’une partie de l’équipe du
film mais au cours du séjour, Georges tombe malade et se retrouve immobilisé. Dès qu’il apprend la nouvelle,
Serge Dalens écourte immédiatement ses vacances à Malans pour se rendre en Ardèche au chevet de son ami.


                                                   Jean-Louis Foncine, Georges Ferney et Serge Dalens lors d’un bivouac durant l’hiver 1946/47

Puis lorsqu’il est question de publier au « Signe de Piste » le roman de Georges « Le chemin de la liberté »,
c‘est Dalens lui même qui en rédige son résumé. Sans compter les fois où Dalens ne manquera pas d’évoquer
dans ses textes son ami Georges Ferney, par exemple lorsqu’il écrit à la fin de l’année 1952, pour les jeunes
lecteurs de « La Fusée n° 1 », la première partie du « Bracelet de Vermeil à la Scène », il n’oublie pas d’évoquer
le film de son ami. C’est également lui qui insistera auprès de Foncine pour que soit réédité en 1958
« Fort Carillon » en deux tomes (« Le Pont des Morts » et « La Marche des Vivants ») mais également
« Le Château Perdu ».
D’ailleurs en 1996, lorsque je sollicite Serge Dalens, entre-temps devenu un ami, pour qu’il rédige une
préface pour la dernière édition de « Fort Carillon », il ne mettra pas dix secondes pour me répondre
« Oh pour Georges ! avec grand plaisir ». Et les premiers mots de sa préface parlent d’eux-mêmes : « Il n’est
pas difficile de préfacer l’ouvrage d’un ami dont on peut serrer la main. Il l’est bien davantage lorsque
cet ami n’est plus de ce monde ...». Et comme je l’ai dit précédemment, lors des obsèques de Georges, il
sera l’un des rares personnages du « Signe de Piste » à se faire représenter. Je ne compte d’ailleurs plus les
fois où j’ai été reçu chez lui, dans sa villa au 37 avenue du Maréchal de Lattre de Tassigny à Saint Cloud.
Toujours est-il que peu de temps après la disparition de Georges, c’est lui qui fera en sorte que les
créations cinématographiques de son ami défunt soient de nouveau vues par les jeunes scouts. Comme en
décembre 1982, lors de la fête annuelle des scouts-marins du Ponant où était organisée une séance de
signatures d’auteurs du « Signe de Piste ». A cette occasion, il sera projeté pour la dernière fois en public
« Le Merveilleux Royaume». Ou encore l’année suivante à la même époque, lorsque nous irons ensemble
à Tourcoing (où se déroule la première manifestation publique de l’association « KID » de Jean-Jacques
Desprets), accompagnés de Pierre Joubert, Jean-Louis Foncine et du tout récent directeur de collection
Alain Gout, à une séance de dédicaces pour les jeunes lecteurs du « Signe de Piste » et où il sera également
projeté, grâce à l’intervention de Serge Dalens, « Les Cent Camarades ». Puis quelques années plus tard,
c’est encore Serge Dalens qui communiquera mes coordonnées à une association scoute nommée le
(C.O.P.S.E.), qui organise au milieu des années 90 un festival du film scout, afin que certains films réalisés
par Georges figurent au programme de leur manifestation. Bref, Serge Dalens a toujours été et en toutes
circonstances, un véritable ami comme vous le voyez. Il l’a prouvé à maintes reprises en battant le rappel dès
que l’occasion lui en était donnée afin que l’oeuvre littéraire ou cinématographique de son vieil ami ne
sombre pas dans l’oubli.

                                       

Georges sera également très ami avec Pierre Joubert car on le sait, pour le « Signe de Piste » en
particulier, Joubert aimait travailler pour ses copains. Il nous le dira d’ailleurs lui-même en 1984, lors d’un
entretien filmé en vidéo. Et c’est une vérité, car pour le premier roman de Georges, un jeune auteur a écrit il
y a quelques temps, je le cite : « Pour Fort Carillon, Joubert signe là une de ses plus belles séries
d’illustrations ... Une reconstitution de l’Amérique française, frimousses réjouissantes, voiliers, scouts en
uniformes, bref tout son univers...». C’est indéniable. Pierre Joubert a mis en oeuvre tout son talent pour
réaliser les illustrations du roman de son vieil ami Ferney. Il mettra d’ailleurs plusieurs fois sa palette
festive au service de Georges pour illustrer ses ouvrages. Mais Georges aura des relations amicales avec
bien d’autres auteurs ou illustrateurs de la collection. Je ne vais pas vous les citer tous, mais de
Pierre Fuval à Hugues Montseugny, en passant par Arnaud de Corbie, Robert Gaulier, Claude Préryme,
Jean-Claude Alain, Joëlle Danterne, Cyril et Igor Arnstam, Bertrand Mézière, Dachs, Éric Gali, Bruno
Saint-Hill, ou Serge Golon, la liste est longue. Vous vous demandez sûrement pourquoi Georges Ferney,
personnage brillant et incontournable du « Signe de Piste », n’a pas postulé pour prendre, avec ses deux
compères et amis, la direction de la collection lors du départ de Maurice de Lansaye en 1954 ...
La réponse tient en deux mots ... le Cinéma !


Georges Ferney a écrit quelques romans historiques (Le chemin de la liberté) et sur les pionniers au
Canada (Fort Carillon) d’où lui venait cette passion ?

Ah, Georges et l’histoire de France ... c’est là encore une de ses grandes passions, voire de ses casquettes,
celle de l’historien. Comme je l’ai évoqué lors d’une précédente question, Georges se passionne très tôt pour
l’histoire. N’oublions pas qu’il fut un très jeune bachelier en histoire et lettres antiques. Et en effet, l’histoire
de France sera présente dans une grande majorité de ses récits d’aventures qui jalonneront sa carrière d’auteur.
Plus particulièrement la période révolutionnaire, à laquelle de tout temps il s’est intéressé de très près.

                                     

Son roman « Le Chemin de la Liberté » en est un témoignage car l’intrigue se situe pour moitié durant la
révolution. L’autre partie plus contemporaine est calquée sur des événements politiques qui se sont déroulés
au milieu des années trente. Ah tiens à ce propos ! Saviez-vous que de son roman « Le Chemin de la Liberté »
Georges en avait également tiré un film ? un long-métrage couleur qui date de début 1958 ! Encore un film
« Signe de Piste » réalisé par Ferney me direz-vous ... Oui, mais pour vos lecteurs c’est un scoop ! Car je crois
que personne n’en a fait cas jusqu’à présent. Ce film a été tourné en 57 et ses scènes se déroulent en partie
près des côtes atlantiques, plus précisément dans la région Vendéenne que son ami Pierre Joubert aimait tant.
Le film s’intitule également « Le Chemin de la Liberté ». Il comporte d’ailleurs quelques séquences avec
des scouts, qui ont été rajoutées par Georges dans son scénario mais qui ne figurent pas dans son roman.

                                             
Bristol d’invitation destiné à M. l’Abbé Paul Rey dit Jean d’Izieu

Maintenant revenons à l’histoire de France et puisque nous parlons du « Chemin de la Liberté », les pages de
rabat de sa jaquette donnent déjà une partie de la réponse à votre question. Il y est inscrit que Georges « n’a, en
tout cas, pas son pareil pour découvrir dans les archives poussiéreuses de notre histoire nationale des détails
authentiques qui brusquement donnent vie à ses énigmes », ce qui est tout à fait exact. Dès qu’il avait du
temps ou l’idée d’un nouveau roman en tête, je me souviens l’avoir vu maintes fois se rendre dans les salles
de lecture des bibliothèques pour compulser ouvrages et documents. Un des auteurs du « Signe de Piste »
qui fut longtemps directeur des archives nationales pourra vous le confirmer. Je me rappelle également des
échanges et des correspondances avec nombre d’historiens de renom, sans compter les innombrables prises
de contact avec moult personnes pour avoir accès à quelques archives familiales afin d’étayer ses récits.
Personnellement, je lui connaîs également une participation amicale à l’élaboration d’un ouvrage retraçant
la vie de Talleyrant mais ce livre n’a aucun rapport avec le « Signe de Piste ». Enfin bref ! Voilà pourquoi,
dans pratiquement la moitié des romans rédigés par Georges pour la collection « Signe de Piste », ses lecteurs
trouvent des tranches d’histoire. Tout commence avec « Fort Carillon », dans une Provence qu’il connait
bien. La partie historique de ce roman retrace l’épopée au XVIIIème siècle des troupes françaises au Canada,
commandées par Louis-Joseph de Montcalm. Et bien, le marquis de Montcalm était né à Nîmes. C’était un
enfant du midi tout comme Georges. Quant aux peaux rouges que l’on trouve dans son roman ... et bien
comme beaucoup de boys-scouts, Georges fut aussi influencé par l’indianisme si cher au coeur de son
frère scout Paul Coze, mais bien des années auparavant. Car déjà quinze ans plus tôt, on le remarque sur
l’un de ses clichés, paru dans « Le Scouts de France » en 1930. En effet, on y voit un bivouac scout et parmi
les tentes qui se dressent au milieu du campement, figure un tipi qui n’est autre que le couchage de Georges.
Cela a dû faire sensation à l’époque chez les scouts. Sacré Georges !
Concernant la partie contemporaine de « Fort Carillon » qui se déroule en partie sur les terres du nouveau
monde, dans la préface de cet ouvrage, Dalens évoque le séjour de Georges au Canada. Toujours est-il que
la rédaction de « Fort Carillon » commence durant l’occupation, lorsque Georges est dans la clandestinité,
dans le maquis. Et il dira peu de temps après la parution de son ouvrage (dans une lettre qui date
de la fin de l’année 1945) « C‘est par distraction et par nostalgie des beaux voyages que je faisais autrefois,
que j’ai entamé l’écriture de ce petit roman d’aventure, qui a remporté ces temps derniers un succès en
librairie que je n’attendais pas ....».

                             
« Fort Carillon »Édition en deux tomes de 1958


Aujourd’hui, ce roman compte assurément parmi les incontournables chefs d’oeuvres de la collection
« Signe de Piste ». Pour preuve, ceux qui en ont parlé récemment. J’en cite quelques uns : « Fort Carillon est
un bon vieux roman qui se savoure toujours autant et n’a pas pris une ride ...» « Le cadre du récit, c’est
presque comme un nouveau Tintin en Amérique, il se lit d’une traite et l’entrée des personnages est soignée ...»,
« Le Canada, Georges Ferney y situe l’action d’un des plus beaux romans scouts parus dans la collection
Signe de Piste ...», « Fort Carillon est d’une très grande qualité et n’ennuie jamais. Mieux, il est, dans la
masse des Signe de Piste, un roman original ...» etc ... Quelqu’un a même dit « Fort Carillon figure parmi
les romans de la collection que j’ai mis dans mon Panthéon du Signe de Piste ...», enfin quelque chose
de similaire ... C’est tout dire !
Viendra ensuite « La Ménagerie ». Dans ce récit, Georges nous relate également un moment d’histoire en
incluant un chapitre où l’action se déroule pendant les croisades ...
Puis quelques temps plus tard, ce sera « Le Château Perdu » où là encore, Georges aborde la conquête des
Gaules et remonte le temps jusqu’au début du XXème siècle, sans oublié le diplômé de lettres antiques qui
nous fait là, dans ce roman, une petite démonstration de son érudition en y incluant une traduction latine.
Mais je tiens à souligner qu’au fil des pages, Georges évoque pour la première fois dans ce roman, les temps
de la terreur où la famille Royale de France était incarcérée à la prison du Temple. Et là, Il me faut bien sûr
mentionner la fameuse énigme de Louis XVII (pour l’anecdote, une grande partie de la documentation qui
lui servira à relater cette période de notre histoire, émane en grande majorité de la bibliothèque de l’auteur
vendéen Louis Chaigne qui, on le sait, accordera quelques temps plus tard une préface à la première édition
d’un célèbre ouvrage du « Signe de Piste ») car désormais, cette page d’histoire reviendra à plusieurs reprises
dans les romans de Georges. D’ailleurs de nos jours, sur un site entièrement consacré au « Signe de Piste »
(masterkouki.free.fr) ont peut voir, parmi ses pages virtuelles, tout un chapitre concernant les ouvrages parus
dans la collection qui ont, au cours des années, abordés l’énigme de Louis XVII, ce thème ayant fait couler
beaucoup d’encre à travers le monde. Sur ce site, les « Signe de Piste » son guère nombreux car en fait il en est
recensé quatre et Georges y est très largement représenté avec trois ouvrages sur la question. A tel point que
ces pages mentionnent, je cite : « Dans la collection, le thème Louis XVII, ses prétendants, ses substitutions,
sa survie etc ... a été quasiment monopolisé par un seul auteur, qui tire les mystères dans tous les sens, à travers
trois romans. Vous aurez bien entendu reconnu Georges Ferney ...» Voilà encore ce qui explique bien des
choses concernant les différents pseudonymes que Georges adoptera au cours de sa carrière littéraire.

         
  Dessin signé Pierre Joubert, réalisé en 1957             dessin de Patrice Pellerin pour "Le roi d'infortune"
LOUIS XVII INCARCÉRÉ À LA PRISON DU TEMPLE

Mais revenons au roman de Georges, sur lequel il a été écrit « Le Château Perdu est une aventure follement
mouvementée, écrite à une époque où un jeune devrait avoir autant de foi que d’audace pour se tirer des
pièges de l’existence ... » et sur lequel un personnage proche du « Signe de Piste » a dit « le Château Perdu,
est un bouquin assez époustouflant ...». Bref ! Ce roman fait bien évidemment partie des grands classiques
de la collection « Signe de Piste ». Mais passons maintenant à un autre roman de Georges « Le Chemin de
la Liberté », où une fois encore il est question de l’enlèvement du jeune Dauphin ainsi que de son éventuelle
descendance. Sa partie contemporaine n’est pas s’en nous rappeler le soulèvement du 6 février 1934. Et une
fois encore, il a été écrit qu’il s’agissait « d’une mise aux abîmes absolument épatante ... Georges Ferney se
livre à un exercice de haute voltige ...», encore une page d’histoire abordée par notre historien du « Signe
de Piste » ! Bien des années plus tard, paraîtra, dans la collection, un autre roman de Georges, abordant une
nouvelle fois la question du jeune Dauphin de France. C’est « Le Roi d’Infortune », qui se déroule
entièrement à la fin du XVIIIème et au début XIXème siècle. Ce récit, dont Georges avait entamé la rédaction
au milieu des années 70, nous relate les aventures ou plutôt les mésaventures « d’un gamin mythomane »,
un certain Jean-Marie Hervagault qui aurait été substitué au véritable Louis-Charles de Bourbon, le jeune
Louis XVII, à la prison du Temple. Comme on peut le voir, la théorie des substitutions du jeune monarque
emprisonné est revenue plusieurs fois dans les romans rédigés par Georges tout au long de sa carrière.
Elle lui vaudra d’ailleurs d’être cité bien des fois par les historiens dans leurs ouvrages car il y a maintenant
quelques années, l’un d’entre eux s’est penché très sérieusement sur la question et a recensé les différentes
théories énoncées par nombre d’auteurs sur des substitutions et les éventualités d’un enlèvement du
jeune Dauphin, et notamment sur celles de Georges où, à plusieurs reprises dans ses récits, Robespierre
s’empare du jeune Monarque, ce qui n’a évidemment pas été oublié par cet historien. Voilà pour ce qui
concerne Louis XVII. Mais en fait, Georges a très souvent mis à l’honneur l’histoire dans ses romans.
Prenez par exemple « Les Fils de la Cité », dans lequel il nous relate l’assassinat du Président Kennedy
ou encore « Le Prince des Sables », lorsqu’il nous explique, sur tout un chapitre, l’évolution d’une tribu
du Sahara septentrional à travers le temps. Toujours de l’histoire, n’est-ce pas !

         
            « Le Château Perdu »Édition de 1954 et 1958                "Le roi d'infortune" 1979
            Couverture et illustrations Pierre Joubert                          Couverture et illustrations de Patrice Pellerin

C‘est sans aucun doute la raison pour laquelle au « Signe de Piste » Georges est assimilé à de très grands
auteurs comme Alexandre Dumas ou Pierre Benoit, que ce soit pour la qualité littéraire de ses romans ou
pour la richesse instructive de ses récits. Et effectivement, mis à part le fait qu’il fut consulté très souvent
pour ses connaissances historiques approfondies, on peut aisément considérer Georges comme l’un des
historiens du « Signe de Piste ». En effet, parmi les quelques deux cent romans dits « historiques » qui
seront publiés dans la collection, nous avons Serge Dalens avec « l’Étoile de Pourpre » ou celui que beaucoup
ont oublié, Marcel Artigues et « Le Cavalier au Masque Vert », ainsi que X. B. Leprince avec « Le Raid des
Quatre Châteaux » ou Henri Bourgenay avec « Sang et Or ». Sans oublier la saga en trois volumes rédigée
par Jean-François Pays, intitulée « Le Signe de Rome », dont le récit nous emmène aux temps reculés de
l’Antiquité et on pourrait poursuivre cette énumération pendant encore un long moment ...
Mais parmi tous ses romans dits « historiques », ceux publiés par Georges sont incontournables et ils
l’imposeront de façon incontestable comme l’un des historiens du « Signe de Piste ». D’ailleurs aujourd’hui,
tout le monde s’accorde pour dire que ses ouvrages demeurent inoubliables dans la collection.


- Et pour la science-fiction ?

La science-fiction a permis à Georges d’aborder une science pour laquelle il éprouvait une réelle attirance
depuis bien longtemps. Il s’est vivement intéressé à l’astronomie, aux astres, à la voie lactée, à notre système
solaire, aux étoiles, aux planètes et bien entendu à l’éventualité d’une vie sur l’une d’elles. Mais aussi, à
la possibilité pour l’homme d’aller en explorer les mystères ou encore de pouvoir dans le futur envisager
d’aller y vivre. Et cela bien des années avant que n’apparaissent les premières publications de ses romans de
SF dans la collection « Signe de Piste ». Lors de nos premières conversations, il y a bien longtemps ...
il me parlait de Mars, de Saturne et même de Titan, encore peu connu à l’époque.
Un jour il m’a dit : « Tu sais c’est un monde mystérieux ... que l’on commence à peine à soupçonner ! ».
Encore une fois, le père du « Prince Éric », lorsqu’il décrit en 1955 son ami Georges pour les lecteurs de la
« Fusée », évoque également l’astronome. D’ailleurs dans cette même « Fusée », Georges rédigea, à l’attention
des jeunes lecteurs, un rédactionnel intitulé « Qu’est-ce que l’air ? » dans lequel il parlait déjà de Mars,
de rayons ultraviolets et des confins de l’Univers. Mais cette passion date en réalité de bien plus longtemps.
Car l’astronome est né de nombreuses années auparavant. On en a un témoignage visuel en quelque sorte
et qui est aujourd’hui accessible à tous les internautes. En effet, depuis quelques temps un site rend honneur
à Georges Ferney et aux années où il était photographe pour le magazine « Le Scout de France ». Les pages
virtuelles de ce site dévoilent un certain nombre de clichés connus mais aussi inédits pour la plupart
(honneur au scoutisme - chapitre nouveautés 2010). Parmi tous les instantanés présentés, figure notamment
un cliché datant de la fin des années 20, représentant de jeunes boys-scouts scrutant les astres à l’aide d’un
télescope. Bien entendu cet instrument d’observation astronomique appartient au chef de la troupe, en
l’occurrence son scoutmestre et vous l’avez compris, c’est évidemment Georges Ferney.
Mais revenons à la science-fiction. Georges, qui est connu pour être un auteur de romans destinés à la
jeunesse, a néanmoins au cours de son existence fait la connaissance de bien d’autres auteurs que ceux
de la collection « Signe de Piste ».
Parmi eux, il en est un célèbre auprès des lecteurs adultes pour ses récits d’anticipations, c’est un certain
René Barjavel que Georges rencontre pour la première fois juste après la libération. Et c’est suite à la lecture
des ouvrages de Barjavel que Georges a, au tout début des années soixante, l’idée de rédiger, pour les jeunes
lecteurs du « Signe de Piste », un roman d’anticipation. Car Georges a toujours été habité par un désir de
nouveauté. Mais à cette époque les Éditions Alsatia commence à battre de l’aile, la fréquence des parutions
n’est déjà plus la même que durant les années cinquante. Nous sommes au beau milieu des années soixante
et les mentalités changent, celle de la jeunesse aussi. Il lui faudra attendre l’alliance d’Alsatia avec Hachette
pour que ça redémarre pour Georges comme avant. C’est la naissance de la collection « Safari Signe de Piste »
au début des années 70, avec comme directeur de collection un certain Jean-Paul Benoit (un pseudo bien sûr)
aujourd’hui à la tête de sa propre maison d’édition. Néanmoins, c’est à lui que l’on doit les toutes premières
publications sous forme d’albums regroupant des dessins de Joubert.
Nos deux conseillers légendaires, Messieurs Dalens et Foncine sont là aussi bien entendu.
Parmi les illustrateurs de la collection présents à cette époque, il y a Joubert bien évidemment. Mais il en est
un qui va beaucoup compter pour le « Signe de Piste » durant cette période, en réalisant quelques témoignages
magnifiques qui prouveront à tous son talent pictural et il va marquer de son empreinte son passage au « Signe
de Piste ». Il s’agit de Michel Gourlier qui à cette époque maîtrise parfaitement son art. D’ailleurs Pierre
Joubert, qui reconnaissait son indéniable talent, avait coutume de dire en parlant de lui : « Moi je suis un
artisan du dessin, lui c’est un artiste ». Il est vrai que le parcours professionnel de Michel Gourlier et sa
production picturale n’ont rien de comparables à ceux de Pierre Joubert.
Mais revenons à la science-fiction, lorsque Georges soumet au début des années soixante dix, au comité de
lecture de la collection, le manuscrit de « Joar de l’espace ». C’est nouveau pour le « Signe de Piste » et Jean-
Paul Benoit ainsi que nos compères acceptent avec enthousiasme ce nouveau venu signé Geoffrey X.
Passover. C’est comme ça qu’en 1972 « Joar de l’espace » devient, avec les illustrations de Gourlier, le tout
premier roman d’anticipation publié dans la collection. Il faut donc reconnaitre que Geoffrey X. Passover est
incontestablement l’auteur qui a ouvert la porte à la publication de romans de science-fiction au sein de la
collection « Signe de Piste ». L’année suivante l’ouvrage sera traduit en langue lusophone (portugais) puis
ensuite en langue hispanique.

   
Dessins signés Michel Gourlier
figurant dans les romans d’anticipation deGeorges Ferney
à gauche :
« Les Survivants de l’an 2000 »
à droite :
« Joar de l’Espace »


   



En 1973, année où je rencontre Georges, la télévision envisage sérieusement d’adapter « Joar de l’espace »
en images et d’en réaliser plusieurs épisodes. Cette année là un contrat est signé et le tournage démarre dans
les studios de la télévision, à l’époque rue des Alouettes. Mais quelques mois plus tard, des remaniements
viennent secouer le monde de l’audiovisuel public et l’ORTF sera démantelée pour laisser place au C.S.A.
(le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel que nous connaissons aujourd’hui) et tout cela hélas mettra un terme
au tournage de « Joar ». Oh, il doit certainement exister dans les archives de l’INA quelques bobines de
« Joar de l’Espace » ... Enfin quelques années plus tard, « Joar de l’Espace » sera réédité dans la collection
« Le Nouveau Signe de Piste ». Puis dans cette nouvelle collection, Georges fera également
paraître « Les Survivants de l’an 2000 » avec de superbes illustrations signées elles aussi par Michel Gourlier.
D’ailleurs, dès la sortie en librairie de ce premier roman de science-fiction, Georges adresse un courrier à
Michel Gourlier pour le féliciter et lui témoigner toute son admiration. Il mentionne qu’il serait très honoré
s’il acceptait d’illustrer à nouveau une de ses prochaines parutions.
Pour conclure, citons Jean-Louis Foncine qui, à l’automne 78, répond à un jeune auteur (Alex Vachon) qui
lui soumet le manuscrit d’un roman d’anticipation : « La science-fiction est un genre très difficile ... ».
Voilà bien là une des plus belles lapalissades jamais écrites car on le sait, Jean-Louis Foncine, malgré tout
son talent, ne s’y est lui-même jamais risqué.

         



- Parlez nous du Cinéaste à qui nous devons « Les Cent Camarades » d’après Claude Appell, qui demanda
4 ans 1/2 de travail ? Quel fut le destin de ce film ?


Ah Georges et « Les Cent Camarades » ! Merci de me poser cette question.
Tout commence lorsque Georges crée les « Les Studios Ferney ». Sa société cinématographique va lui
permettre de produire et réaliser en professionnel ses propres films. Au début il ne réalise que des
documentaires, des moyens-métrages où il retrace des manifestations et des activités liées au scoutisme
pour la plupart. Puis en 1948, le premier film de fiction scout sonore et parlant, comme on disait à l’époque,
sort sur les écrans. Ce long-métrage est tourné dans la région d’Orléans durant l’occupation, c’est « Antoine
Chef de Bande » dont je vous ai déjà parlé. A l’époque, seules quelques petites réalisations ont été faites. On
a adapté des romans parus dans la collection « Signe de Piste » tels que « Yug » ou « Le Prince Éric », mais
elles sont réalisées dans un format amateur, avec une technique obsolète datant du début des années vingt,
dite « films fixes ». Cette technique consiste à mettre bout à bout une succession de photos ou dessins, les
uns à la suite des autres. Mais le tout reste muet et surtout figé car avec ce procédé, aucun dialogue, aucune
image mouvante n’est possible. Et bien à la toute première projection « d’Antoine » à Paris, Georges est
évidemment présent dans la salle. Il fixe l’écran où s’agitent les interprètes de la troupe des écureuils qui se
trouve prise à partie par une bande de vauriens, mais je ne vais pas vous raconter le film ...
Néanmoins, c’est là que Georges, confortablement assis dans son fauteuil rouge, aura l’idée d’un long-métrage
tiré d’un roman du « Signe de Piste ». Oui faire un vrai film ... du vrai cinéma ... avec toute une équipe, du
matériel, des décors, des projos, des acteurs, enfin tout quoi ! Faire en « pro » un véritable et grand film
« Signe de Piste ». En avoir l’idée c’est bien, mais la concrétiser est une autre histoire ... et puis quel ouvrage
de la collection choisir pour le porter à l’écran ? Il songe bien évidemment à certains ouvrages rédigés
par Dalens ou Foncine. Mais il est instantanément dans l’obligation de les oublier. Plus tard peut-être ...
Car aller en province avec toute une équipe (acteurs, techniciens, etc ...), son cortège de véhicules,
le logement pour tous, tout en tenant compte des disponibilités de chacun ... Bref, trop de frais, trop de
déplacements, trop de tout ! C’est irréalisable pour « Les Studios Ferney ».

LE PREMIER FILM « SIGNE DE PISTE » PORTÉ À L’ÉCRAN

Dessin réalisé par Cyril pour illustrer un article de Georges Ferney paru dans « La Fusée n° 2 » en 1954

Nous sommes en 1948. Dans la collection « Signe de Piste » vient de sortir le premier roman d’un jeune
auteur nommé Claude Appell, c’est « Les Cent Camarades » D’ailleurs Claude Appell obtiendra peu de
temps après, avec son ouvrage « Haut le Champ », le « Prix Larigaudie 1950 » qui cette année là a été
décerné à Georges. A la lecture des « Cent Camarades », Georges comprend immédiatement que c’est
cet ouvrage qu’il lui faut pour réaliser son film, car toute son histoire se déroule dans la capitale. Il se dit
« tout le monde est sur place, pas de déplacement ni de logement à trouver ... Pourquoi pas ! » Ce sera alors
le début d’une aventure qui va durer plusieurs années. Oh bien sûr, les amateurs du « Signe de Piste » et
certains collectionneurs connaissent déjà l’histoire puisqu’il y a bien des années maintenant, Georges a relaté
de façon anecdotique et avec tout le talent qu’on lui connaît, les coulisses et le tournage de son film dans
un très ancien numéro des années cinquante de « La Fusée » (pour ses admirateurs et les collectionneurs
cinéphiles : « La Fusée N° 2 »). Toutefois, lorsque ce numéro parait, le film est encore loin d’être achevé.
D’abord, il y a tous les autres, ceux des clients qui passent en priorité, normal ! Plus les documentaires scouts
qui eux aussi doivent sortir, comme celui tourné au Jamboree de Bad-Ischl en 1951 ou celui filmé dans le
gouffre de la Pierre Saint-Martin avec le groupe de spéléo des Scouts de France. Là aussi, quelle aventure à
l’époque. Filmer dans les profondeurs de la terre, avec l’équipe de tournage et tout le matériel d’éclairage ...
Chapeau Monsieur Ferney !



MINUIT, AU BORD DE LA SEINE
Brouillé avec Claude, sévèrement grondé par son oncle, en proie au spleen
et à la nostalgie de son île natale, Patrick avait fui ... Mais la bande d’Alain,
ratissant tout Paris, l’a retrouvé ... Claude l’a rejoint, à minuit, au bord de la
Seine ... Ils ont parlés à coeur ouvert, et Patrick, cédant à l’amitié, à dit
ses ennuis. « Viens à la base, a répondu Claude, tu verras Alain, il va
sûrement tout arranger ... » Alors Patrick suivit Claude et monta vers son
nouveau destin ...
Georges Ferney - « La Fusée N° 2 » 1954
Photo : c Georges Ferney - Coll. Christian Floquet

Donc, une fois que fut achevé le tournage des toutes les scènes              
des « Cent Camarades », au total rien moins que 6 000 mètres de
pellicule, sonna l’heure de la postproduction, car les « rushes »
étaient muets. Il fallut tout d’abord les monter, puis ensuite trouver
toute une pléiade de jeunes pour doubler les voix de chacun de
nos interprètes qui figuraient à l’écran car pour un grand nombre
devenus trop âgés, leur voix avait muée, ils ne pouvaient donc
plus se doubler eux-mêmes. Et là, tout commence à se compliquer.
Georges dû à nouveau tenir compte des vacances scolaires, obtenir
l’accord des parents, et parallèlement mener à bien ses commandes,
ses autres projets comme « Le Merveilleux Royaume » qu’il trouve
également le temps d’écrire et faire des photos ... Bref les jours,
les mois, les années passent et ce tournage commencé au début
l’année 1948, qui a déjà demandé 4 ans 1/2 de prises de vues, demandera
encore 3 ans 1/2 de postproduction. Tout cela coûtera
finalement des sommes folles et nécessitera, de la part de Georges,
une constance, une persévérance et un travail pharaonique, afin que
le tout premier film adapté d’un roman de la collection « Signe de
Piste » voit le jour et soit enfin prêt à être projeter au public. Et tenez
vous bien, ce n’est qu’au début de l’année 1957 que « Les Cent
Camarades » sortira sur les écrans.
Le succès qu’escomptait Georges ne sera pas au rendez-vous et
les avis à l’époque seront partagés. D’un côté le scoutisme qui
ne s’y reconnaît pas, avec ses dirigeants qui ferment à Georges les
portes d’une éventuelle commercialisation des « Cent Camarades »
au sein du mouvement. De l’autre la presse de jeunesse, qui ouvre
ses colonnes à Georges pour faire la promotion de son film.
Quelques articles paraissent, agrémentés de photos extraites du
film ou de la partition de sa bande originale, comme celui qui
fut publié au printemps 1957 dans la revue « Bayard » ( Pour les
intéressés : n° 43 de la deuxième série de la revue - rubrique :
les beaux films de Bayard ). Mais faute d’un réel distributeur, le
film subira un échec commercial sans doute dû à sa trop longue
réalisation, car le tournage des « Cent Camarades » avait été annoncé
dans la presse dès 1952 et entre-temps le goût du public et les
mentalités ont changés. Mal accueilli dès le départ par les dirigeants
du mouvement scout de l’époque, la carrière commerciale des
« Cent Camarades » sera de courte durée et la copie originale
dormira dans le fond d’un placard pendant près de quarante ans.
Toutefois, quelques années après sa sortie sur les écrans, Georges
écrira un manuscrit autobiographique lui aussi et à ce jour inédit,
retraçant ses souvenirs durant toute la réalisation des « Cent
Camarades ».
Ce premier film « Signe de Piste » propulsera et imposera
néanmoins Georges Ferney comme le cinéaste de la collection.
Et comme je l’ai déjà précisé, il réalisera d’autres films issus de
romans « Signe de Piste ».
Mais il aura bien des projets cinématographiques pour le « Signe
de Piste », comme de porter à l’écran le roman de Jean Valbert
« Les Compagnons de la Loue ». Il entamera également une
adaptation et son découpage technique, tournera quelques séquences,
disons plutôt des bouts d’essais afin de réaliser un film du roman
« Le Relais de la Chance au Roy » de Jean-Louis Foncine.

   

   



Photos : c Georges Ferney - Coll. C. Floquet
Jaquette de la vidéo-cassette VHS sortie en 1995
Photos : c Georges Ferney - Coll. Christian Floquet

Mais en ce qui concerne la destinée des « Cent Camarades », ce n’est qu’en 1995 et après bien des années de
silence, que le film sortira enfin de l’ombre. Cette année là, on m’informe qu’un producteur est intéressé par
la commercialisation des « Cent Camarades » sous forme de vidéo-cassette. J’accepte le projet et ce
film trouvera un nouveau souffle. L’année d’après ce sera le tour d’« Antoine Chef de bande » qui entamera
lui aussi une nouvelle carrière. Je voudrais ouvrir ici deux parenthèses qui me paraissent importantes pour
vos lecteurs. Je m’explique ...
La première concerne la confusion faite en 1995 par le producteur, lorsqu’il précise sur le dos de la jaquette
de la vidéo-cassette qu’il commercialise, que le film a été produit et réalisé en 1954 (prenant comme
référence l’article de Georges Ferney paru dans « La Fusée » n° 2 en 1954). Mais le film sort bien en 1957 !
La deuxième concerne Christian Guérin, universitaire et historien du scoutisme français reconnu, qui
commettra plusieurs erreurs vis à vis de Georges Ferney, dans sa thèse terminée en 1991 et dont il tirera
ensuite un ouvrage intitulée « l’Utopie Scouts de France ».
J’en ai d’ailleurs abordé certaines dans mes précédentes réponses. Ainsi, en ce qui concerne « Les Cent
Camarades » qu’il ne manque pas également d’évoquer dans son volumineux mémoire, il nous parle d’un
encart publicitaire paru dans la revue scoute « Le Chef » où il serait mentionné, je le cite : « En décembre 1952,
Le Chef ouvre ses pages à une nouvelle publicité de la librairie Signe de Piste qui, vantant les mérites
du film : Antoine, chef de bade, annonce la sortie des Cent Camarades, tiré d’un (fort médiocre)
roman S.d.P ... et tourné par Georges Ferney. Cela paraît tout naturel ».
Intrigué par ces propos et pour m’en assurer, je suis donc allé consulter ce fameux numéro 290 de la revue
« Le Chef ». Mais la page 49 de ce périodique, où figure cette annonce publicitaire, ne mentionne pas du
tout ce que cet historien nous rapporte. Il apparaît donc clairement que cette information lui a été soufflée
par quelqu’un ... et qu’il ne l’a pas vérifiée, ce qui est plutôt surprenant voire gênant pour un historien !
D’autre part, je tiens également à signaler au passage, qu’en 1991, date où Christian Guérin termine son
premier opus (c’est à dire sa thèse), il ne peut en aucun cas avoir vu le film de Georges. Car à l’époque, la
seule copie existante était entre mes mains et je n’ai pas souvenir d’avoir organisé pour lui une projection
privée. Certes, ce film sera projeté en décembre 1983 dans le nord de la France, mais il m’aurait été aisé
de remarquer un adulte au milieu d’un public de jeunes adolescents. De plus, toujours à la même époque,
la vidéo-cassette des « Cent Camarades » n’est pas encore commercialisée !
Néanmoins cela ne l’empêchera pas de réaliser un magnifique copier coller pour faire figurer les mêmes
erreurs quelques temps plus tard dans son ouvrage « l’Utopie Scouts de France ». Alors pour ceux qui font si
volontiers référence aux écrits de cet historien, je me permets de leur citer cette belle phrase de Pierre
Joubert qui figure dans son ouvrage « Souvenirs en Vrac » (page 174 de la dernière édition), lorsqu’il
recommande à ses homologues graphistes d’être vigilants « Jeunes confrères, mes amis, faites gaffe ! ... ».

                               
Revue « Le Chef » numéro 290 - décembre 1952 - Espace publicitaire qui figure page 49

Mais retournons, si vous le voulez bien, sur le plateau des « Cent Camarades », pour parler plus
précisément du générique et de sa distribution. Dans le film il y a bien sûr les rôles interprétés par des ados,
à commencer par l’écossais « Patrick Mackern », son ami « Claude Erval », toute la troupe scoute des
« A » ainsi que le voyou « Lucien Baguolles », auxquels vient s’ajouter une ribambelle de gamins en
culottes courtes qu’il est impossible d’énumérer tant ils sont nombreux. Pour les séquences relatives à
la scène où la troupe des « A » harangue le public place Saint-Sulpice, ce qui permet de rassembler les
« Cent Camarades » pour venir en aide à l’oncle Antoine, les jeunes figurants sont en grande majorité
des scouts de « La 2ème Troupe Sainte-Anne de Vannes » plus communément appelée « La 2ème Vannes »
dont Georges fut longtemps le chef.

                               
                      Le plateau des "Cent camarades" dans le décor de la base des A

Georges nous en citera quelques uns au générique mais il renoncera à les nommer tous, le terminant par
« et une centaine d’autres ....» c’est vous dire ! Mais ce détail n’est pas le plus important pour le
« Signe de Piste » et surtout pour son histoire. Non ! L’essentiel concerne les lieux où furent tournées
les scènes du film et surtout les interprètes des rôles d’adultes. Car pour le « Signe de Piste », le film
« Les Cent Camarades » de Georges Ferney est devenu incontestablement aujourd’hui un monument
historique, n’ayons pas peur des mots. Mais voyons plutôt ... Nous retrouvons à l’écran : Serge Dalens en
producteur, son épouse en hôtesse de l’air, Jean-Louis Foncine en instituteur, Dachs grimé pour l’occasion
en Monsieur Saturnin, Aimé Roche et même Robert Manson. C’est drôle de les voir beaucoup plus jeunes
(ils ont tous environ la quarantaine dans le film) et vraiment amusant de les voir tous réunis ! Sans parler
de la scène de la première représentation de « Tornade » au Théâtre où l’on aperçoit dans la salle, tout
un parterre de personnalités du « Signe de Piste » venus apportés en tant que figurants, leur soutien à cette
aventure !

     
Musique originale du film intitulée « Demain nous serons cent »
Photo : c Georges Ferney - Coll. Christian Floquet
Doc. : c Coll. C. Floquet


Mais n’oublions pas les lieux, car les scènes sont tournées tantôt dans le salon en rotonde de l’appartement
de Serge Dalens, avec le piano de Madame sur lequel joue « Claude », puis dans leur chambre et leur salle de
bain qui deviennent celles de « Kiwi », ou dans l’appartement de Georges au village d’Auteuil, qui devient
celui de « l’oncle Antoine », ou encore le bureau d’Alsatia, au premier étage de la librairie à Saint-Sulpice,
celui de « Tante Mad » précisément, qui servira d’appartement à « Mr. Saturnin » dans le film. Sans compter
la scène où l’on voit la librairie « Au Signe de Piste » du 1, rue Garancière à Saint-Sulpice ...
Sincèrement ! Je vous le répète. Ce film retrace une page d’histoire majeure du « Signe de Piste » car de cette
époque, à part « Les Cent Camarades », qu’existe t-il aujourd’hui comme témoignages en images ?...
Quant au devenir de ce film ... Et bien il n’est pas impossible que les passionnés du « Signe de Piste » aient
l’opportunité de voir ou de revoir un jour « Les Cent Camarades ». Parmi mes nombreux projets, j’envisage
éventuellement de sortir ce film en coffret DVD collector, peut être accompagné d’un petit livret comprenant
textes et photos, auquel pourrait être joint également un CD audio de la B.O. chantée par une chorale, le
tout présenté avec une jaquette relookée ... Enfin de quoi faire quelques heureux au « Signe de Piste » j’en
suis sur. Toutefois, ce n’est encore qu’un projet !

                 


   
Claude Appell ( 1921-1976 )
par Georges Ferney en 1950
Photo : c G. Ferney - Coll. C. Floquet


- Comment arrivait-il à allier toutes ces activités professionnels et artistiques ?

Cela peut paraître étrange, mais tout s’explique. Georges était quelqu’un de très méthodique ce qui lui
permettait de planifier l’ensemble de ses activités avec précision, enfin la plupart du temps car il y a toujours
des imprévus ! Comme je l’ai dit, Il avait de réelles dispositions pour l’écriture (c’était inné) et il rédigeait
pratiquement tout d’un trait. Quant à la photographie, elle se décompose en deux parties distinctes, la prise de
vue bien entendu et ensuite le développement. En ce qui concerne la deuxième étape, il existe des laboratoires
et des techniciens. D’ailleurs, comme je l’ai dit précédemment, parmi les collaborateurs de Georges, concernant
notamment la photographie et le cinéma, quelques auteurs du « Signe de Piste » ont fait partie de son équipe,
comme Jean Busson que l’on connaît mieux en littérature sous les pseudonymes de Dachs ou Jean Nils.
Vous ne le saviez peut-être pas, mais Dachs était lui aussi photographe et bien souvent en tant qu’assistant,
c’est lui qui était chargé de réaliser les tirages papiers des épreuves de l’agence photographique de Georges.
Dachs participa également à son entreprise cinématographique. On en a un témoignage dans « Les Cent
Camarades » où, mis à part son rôle d’acteur, il a signé les dialogues, la direction artistique et les paroles de
la chanson qui servira à réaliser sa bande originale.
Car dans un film, il y a bien sûr tous les acteurs, mais aussi tous les techniciens travaillant en coulisses.
On ne réalise pas un film tout seul, le cinéma c’est forcément toute une équipe de tournage, à commencer
par le chef opérateur puis la scripte, les machinistes qui montent les rails de travelling, sans compter les
intervenants de la postproduction qui s’étendent du studio de mixage aux attachés de presse.
Toutefois « Les Studios Ferney » n’étaient pas Hollywood, les journées de tournages ne se déroulaient pas
en continu. Il fallait tenir compte de certains paramètres comme par exemple les congés scolaires des jeunes
interprètes, sans oublier les autorisations de tournages délivrées par les autorités, afin de pouvoir envisager de
filmer en extérieur avec plateau de cinéma, équipe de tournage, camions équipés du matériel nécessaire aux
prises de vues. Et vous l’avez vue, certaines réalisations cinématographiques de Georges mettront beaucoup
de temps avant d’être achevées ... Puis il y a aussi l’aspect financier car ne l’oublions pas, faire un film est très
coûteux.
Nous n’allons pas revenir sur le gestionnaire ou le cinéaste, mais il a fallu que Georges soit bien souvent
patient et qu’il travaille d’arrache-pied, afin de réunir les sommes nécessaires pour mener à bien ses projets.
Nous avons évoqué l’ingénieur du son mais il faut savoir que dans « Les Studios Ferney », bon nombre de films
réalisés par les clients de Georges sont passés par sa table de montage ou son auditorium, qu’ils émanent du
Q. G. des Scouts de France où de réalisations décrivant la vie quotidienne de missionnaires à l’autre bout
du monde. En effet, bien des films venus des antipodes furent montés et sonorisés par « Les Studios Ferney »,
ce qui permettra à Georges de réunir une partie des fonds indispensables pour faire aboutir enfin, certaines de
ses propres réalisations, comme « Les Cent Camarades » par exemple ... Et une fois ce film achevé, Georges
devra même faire appel à un commercial pour le seconder, un certain Marc Corcy que nos lecteurs du
« Signe de Piste » connaissent mieux sous le pseudonyme de Claude Préryme !
Pour conclure, je dirai que Georges a su allier ses talents multiples à une organisation rigoureuse, un travail
acharné tant individuellement qu’en équipe et cela avec beaucoup de patience et de courage.

- Succinctement pouvez-vous nous dresser un portrait de l’homme, son caractère, ses qualités et ses défauts,
son ambition et ses désirs ?

Et bien je vais tenter de vous décrire l’homme tel que je l’ai côtoyé durant les dernières années de sa vie.


Sanguine représentant Georges Ferney en 1931 - dessin original

Comme vous avez pu le constater, Georges, qui avait une forte personnalité, possédait bien des cordes à

son arc et lorsqu’il entamait quelque chose, il était plutôt du genre persévérant et tenace. Il ne lâchait pas
prise facilement et terminait toujours ce qu’il avait commencé. C’était un travailleur acharné, doté d’une
rigueur et d’un ordre « militaire ». Avec lui, tout avait sa place et un temps précis. Le matin c’était toujours
le même rituel. Quotidiennement, Georges faisait ses comptes et pas question d’y échapper. Il les relevait
dans des petits carnets qu’il conservait pieusement bien entendu. Il y en avait des centaines, tous
scrupuleusement alignés dans un meuble. Une fois débarrassé de la comptabilité, il passait à ses activités,
en général à sa table de travail. Tout d’abord le courrier, auquel il répondait. Ce n’était qu’ensuite, que
Georges introduisait dans sa machine à écrire une feuille de papier blanche, accompagnée en général
d’un carbone, et le voilà parti pour la rédaction d’un manuscrit. Cela jusqu’au déjeuner, qu’il se préparait
lui même bien sûr. Un fois sortie de table, en bon provençal, il faisait une sieste. Pas question qu’il
en soit autrement, c’était sacré ! Puis en début d’après-midi, soit il reprenait sa rédaction en cours, soit
il se rendait dans la salle de lecture d’une bibliothèque jusqu’à sa fermeture.
Voilà en gros une journée type de Georges Ferney.
Durant toute la période où je l’ai côtoyé, mis à part le fait qu’il avait toujours froid, je ne l’ai jamais
entendu élever la voix. Il ne s’énervait jamais, ne s’affolait pas non plus et quelque soit les circonstances,
il conservait toujours un calme olympien. Il ne laissait à aucun moment transparaître le moindre sentiment.
Il était comme ça. Et cette force de caractère là, Georges la devait sans aucun doute à son éducation.
Ses qualités ... Les plus grandes étaient incontestablement le courage et la loyauté, accompagnées d’une
fidélité et d’une générosité sans mesure pour ses amis et ses proches.
Peut-être certains s’en souviennent-ils encore !

Abordons maintenant ses défauts. Oh bien sûr il était gourmand, on le sait, mais également gourmet, ce
qui impliquait de nombreuses petites manies et il en avait quelques unes, croyez moi ! Il fallait le voir à
table, son assiette en porcelaine ancienne toujours bien garnie, ne lâchant pas ses couverts en argent avec
lesquels il prenait tous ses repas. Il les emmenait partout d’ailleurs ! Comme je l’ai évoqué précédemment,
il était aussi d’une maniaquerie maladive qui pouvait être souvent agaçante. Sans arrêt il rangeait tout.
Mais attention, toujours à la même place car il détestait chercher quoique ce soit et de ce fait perdre du
temps ! Une autre de ses qualités, son savoir quasi encyclopédique pouvait aussi être perçu par certains
comme un défaut. Car quand Georges prenait la parole, il se mettait à disserter sans discontinuer sur
à peu près n’importe quel thème, monopolisant le dialogue durant de longs moments sans vraiment
en être conscient. Lorsqu’il était lancé dans ses explications, et bien que cela n’ait jamais été dans ses
intentions, Georges pouvait parfois sembler manquer d’écoute vis à vis de ses interlocuteurs. Si beaucoup
avaient du plaisir à l’écouter, certains pouvaient en prendre ombrage et se sentir rabaissés, suscitant de
ce fait en eux jalousie et convoitise. Mais de mon point de vue, le plus grand défaut que l’on pourrait
reprocher à Georges, c’est d’avoir, à certains moments de sa vie, manqué de recul et de discernement ...
Quant à ses ambitions et ses désirs ... Georges a pu concrétiser ses différentes passions comme la photo,
le cinéma ou la littérature ... Il s’y est adonné de nombreuses années et il aurait sans doute poursuivi sa
carrière littéraire si la maladie ne l’avait emporté. Au soir de sa vie, ses projets étaient encore nombreux.
Il souhaitait continuer à publier des récits pour la jeunesse, mais envisageait également de faire paraître
plusieurs ouvrages qu’il destinait à un public d’adultes, comme certains récits autobiographiques, une grande
saga entièrement historique ou encore la biographie de certains personnages qui, par leurs passages,
ont marqué l’histoire de France. Tenez, parmi les projets littéraires qu’il nourrissait, il en est un qui lui
tenait particulièrement à coeur et qu’il n’a pas eu le temps de concrétiser. Georges souhaitait rassembler
toute la correspondance échangée avec Pierre Labat, y ajouter certains de ses clichés enrichis d’autres
documents, afin de pouvoir en dégager un recueil entièrement consacré à son ami.
Quelle bonne idée, vous ne trouvez pas !

                             
En 1976, derrière le bar qui servit de décor pour « Les Cent Camarades »
Photo : c Christian Floquet


Les romans de Georges Ferney ont souvent été réédités ... d’autres rééditions sont-elles prévues ?

Je suis heureux que vous me posiez cette question. Toutefois « souvent » n’est pas tout à fait le terme exact
Mic, car voilà bientôt trente ans que Georges a disparu et seuls deux ouvrages de Ferney ont depuis repris le
chemin des librairies ... Bien sûr, Ferney a aujourd’hui une maison d’édition, mais celle-ci semble plus
volontiers orientée vers la publication et la promotion d’imagerie ... D’ailleurs, lors d’une entrevue avec sa
dirigeante dans un bureau parisien, celle-ci a été très claire avec moi, je la cite : « Nous continuons à vendre
les deux ouvrages de Georges Ferney qui figurent aujourd’hui dans notre catalogue, à savoir : « Le Château
Perdu » et les deux tomes de « Fort Carillon - 1° Le Pont des Morts - 2° La Marche des Vivants », mais nous
n’envisageons aucune réédition dans un proche ou lointain avenir ». Alors chers lecteurs dépéchez vous,
car il reste encore un peu de stock sur leur site de vente « Carnet de Bord ».

     

Concernant les ouvrages de Georges qui sont épuisés et ses manuscrits (pour la jeunesse ou pour adultes) qui
n’ont jamais été publiés, j’étudie la question depuis quelques temps. Alors d’éventuelles rééditions et éditions
inédites, l’avenir le dira ... mais ce sera vraisemblablement sous d’autres labels !
En attendant, je vous remercie vivement Mic de m’avoir accordé cet interview, qui m’a permis de faire
découvrir ou redécouvrir Georges Ferney à vos lecteurs et je souhaite avoir réussi à lever quelques zones
d’ombres concernant sa vie et l’ensemble de son oeuvre. En tant que son héritier et « fils spirituel », je suis
heureux d’avoir pu lui rendre ce premier hommage auquel vous avez grandement contribué.
Je vous dis tous à bientôt ...



                                             
Georges Ferney en 1974
Photo : c Christian Floquet



Merci, Christian, de nous avoir accordé cet entretien au coin du net qui est vraiment très complet et qui aurait pu faire l'objet de plusieurs articles biographiques sur Georges Ferney. Je suis certain que les passionnés de Signe de Piste découvriront ici des aspects inconnus de ce grand auteur.


DERNIERES NOUVELLES:
Christian a ouvert une page Facebook publique consacrée à la carrière de Georges Ferney.
On peut y découvrir un grand nombre de documents inédits concernant sa vie scoute, ses romans, ses films. Un ensemble complétant avec bonheur cet entretien :
https://www.facebook.com/pages/Georges-Ferney/573696232663085  






- BIBLIOGRAPHIE -

Ouvrages parus dans les collections Signe de Piste
Sous le pseudonyme de Georges Ferney
- « FORT CARILLON » ( 1 Volume ) SDP n°16 (1944)
- « LE PONT DES MORTS » ( Fort Carillon - Tome 1 ) SDP n°16 (1958) - SDPF (1996)
- « LA MARCHE DES VIVANTS » ( Fort Carillon - Tome 2 ) SDP n°16 bis (1958) - SDPF (1996)
- « LA MÉNAGERIE » SDP n° 26 (1946)
- « LE CHATEAU PERDU » SDP n° 29 (1948) - SDP n° 29 (1954 & 1958) - NSDP n° 145 (1989)
- « LE PRINCE DES SABLES » SDP n° 30 (1948 - 1955) - SB n° 36 (1954)
- « LE CHEMIN DE LA LIBERTÉ » SDP n° 102 (1957)
Sous le pseudonyme de Patrick Robin
- « LA MAISON DE L’ESPOIR » SDP n° 139 (1960)
- « L’AFFAIRE STANI » SDPJ n° 32 (1962)
Sous le pseudonyme de Geoffrey X. Passover
- « JOAR DE L’ESPACE » SSDP n° 24 (1972) - SA n° 10 (1973) - SC n° 3 (1975) - NSDP n° 65 (1978)
- « LES SURVIVANTS DE L’AN 2000 » NSDP n° 58 (1977)
Sous le pseudonyme de Georges Calissanne
- « LES FILS DE LA CITÉ » NSDP n° 71 (1978)
- « LE ROI D’INFORTUNE » NSDP n° 94 (1979)
Ouvrage paru dans la collection Jamboree
Sous le pseudonyme de Jean-Yves Corin
- « LA CABANE AUX CHANSONS » JSJ n° 52 (1961)
ABRÉVIATIONS DES COLLECTIONS :
Collections Françaises
SDP : Signe de Piste - SDPJ : Signe de Piste Junior - SSDP : Safari Signe de Piste
NSDP : Nouveau Signe de Piste - SDPF : Signe de Piste Fleurus - JSJ : Jamboree Série Jeunes
Collections Étrangères
SB : Spurbücher ( Collection allemande ) - SA : Safari Aventura ( Collection portugaise )
SC : Safari Coleccion ( Collection espagnole )
 


- FILMOGRAPHIE -

Films documentaires retraçant des manifestations du Scoutisme
Réalisés avant-guerre en format 9,5 mm noir et blanc muets
- « VENUE DE BADEN-POWELL A MARSEILLE EN 1932 »
- « JAMBOREE DE GÖDÖLLÖ DE 1933 »
- « JOURNÉES SCOUTS DE FRANCE A STRASBOURG EN 1933 »
- « VENUE DE BADEN-POWELL A TOULON EN 1934 »
- « PÈLERINAGE DES SCOUTS DE FRANCE A ROME EN 1934 »
- « JOURNÉES SCOUTS DE FRANCE A MARSEILLE EN 1936 »
- « 25ÈME ANNIVERSAIRE DES SCOUTS DE FRANCE A PARIS EN 1936 »
- « JAMBOREE DE VOGELENZANG DE 1937 »
( Courts-métrages d’une durée d’environ 10 minutes )
Réalisés après-guerre en 16 mm sonore noir et blanc
- « JAMBOREE DE BAD-ISCHL DE 1951 » Moyen-métrage durée 35 minutes
- « LA MYSTÈRIEUSE CAVERNE » Moyen-métrage durée 30 minutes sortie en 1952
( Réalisé au gouffre de La Pierre Saint-Martin avec le groupe spéléologique des Scouts de France )
Films tirés d’ouvrages parus dans la collection Signe de Piste
Réalisés après-guerre en 16 mm sonore couleurs ou noir et blanc
- « LES CENT CAMARADES » Long-métrage noir et blanc d’après le roman de Claude Appell
( Premier film “ Signe de Piste ” durée 90 minutes sortie en 1957 )
- « LE MERVEILLEUX ROYAUME » Moyen-métrage couleurs d’après le récit de Pierre Labat
( Deuxième film “ Signe de Piste ” durée 35 minutes sortie en 1954 )
- « LE CHEMIN DE LA LIBERTÉ » Long-métrage couleurs d’après le roman de Georges Ferney
( Troisième film “ Signe de Piste ” durée 90 minutes sortie en 1958 )
Film au profit d’oeuvres et d’associations
- « MON COEUR EST A TOI » Court-métrage noir et blanc pour l’oeuvre des jeunes abandonnés
( Documentaire format 16 mm sonore durée 18 minutes sortie en 1958 )

( CETTE FILMOGRAPHIE NE PRÉTEND PAS ÊTRE EXHAUSTIVE )




Propos recueillis par Michel Bonvalet - Décembre 2010

NB Les documents et photos présentés sont tous issus de la collection Christian Floquet et ne sauraient faire l'objet de reproductions sans l'accord de celui-ci.



©Michel Bonvalet 2010