Entretien au coin du Net avec...

Daniel Valiant






Michel Bonvalet

Il y a quelques mois nous présentions sur ce site une fiche de lecture sur  deux rééditions à compte d'auteur de deux romans parus dans la collection Le Nouveau Signe de Piste en 1976 / 1977 :  La Caverne du temps et Ciel des sables,
Nous recevons aujourd'hui Daniel Rousseau, l'auteur qui, sous le pseudonyme de Daniel Valiant reçu le prix des moins de 25 ans Signe de Piste .

 

- Bonjour Daniel, merci de nous accorder cet entretien. Dois-je vous appeler Daniel Valiant ou Daniel Rousseau ?  Quelle est l’origine de votre pseudonyme et pourquoi en avoir choisi un pour écrire ?

Bonjour Mic et merci de cette opportunité pour dialoguer sur mes romans et surtout sur l'aventure Signe de Piste.

On peut m'appeler par les deux noms. Si j'ai choisi le pseudonyme « Valiant », c'était en 1975, en souvenir d'une bande dessinée  de l’Américain Hal (Harold) Foster, créateur de « Prince Valiant » (« Prince Vaillant » en Français). C'était l'une des BD qui nous passionnait mes frères et cousins dans les années 60. Prince Vaillant, c'était le héros parfait, généreux, turbulent, amoureux et fidèle, au roi Arthur, car les aventures de Prince Vaillant se déroulent au V ème /VI ème siècles dans l'Angleterre abandonnée par les Romains... Et les tribus Bretonnes se disputent alors la domination de ce qui deviendra l'Angleterre. Un épisode du Cycle Arthurien imaginé par un artiste génial.

Si à l'époque (1975) j'ai pris un pseudo, c'était parce que j'étais en fac, étudiant à la Sorbonne en Droit et en Histoire. Pas question de mélanger les activités : J'avais comme directeur de recherches en « Histoire des Sciences et des Techniques », rien moins que Michel Serres, qui n'était pas encore le Philosophe célèbre qu'il est devenu depuis. Mais c'était déjà une autorité. En fait natif de Tunisie et imbibé des Mille et une nuits et la culture Arabe (mon grand père maternel était ami de Bourguiba et professeur d'Arabe littéraire en  Tunisie) je ne connaissais absolument pas les cultures et mythologies nordiques. Avec un grand père paternel bourguignon (Burgondes, Nibelungen, Sagas nordiques, Sigurd, Siegfried,  etc... si vous voyez ce que je veux dire), j'aurai pu, mais non... Et puis un jour, le déclic est venu : Michel Serres me dit en 1972, « Rousseau, vous me ferez un exposé sur la technique de construction « à clins » des drakkars, vous savez, les navires Vikings et, sur la manière dont ils ont conquis le monde avec cette technologie révolutionnaire ».

J'en suis resté intérieurement interloqué mais extérieurement ravi : on ne discutait pas les demande du Maître !  Je ne pouvais pas lui avouer que j'écrivais et passais une partie importante de mon temps à écrire des romans, depuis l'âge de 12 ans d'ailleurs.... Alors sur les conseils de son Assistant, j'ai pris un pseudonyme, pour cacher mon activité « secondaire », afin de ne pas brouiller mon image d'étudiant modèle.... C'est ce que je croyais à l'époque.... Et j'ai pris presque naturellement le nom de « Valiant » (Vaillant en français) en référence à l'un des héros de l'imaginaire de ma pré-adolescence. Ainsi je séparais mes deux activités principales, le pseudo comme une « cloison » entre les deux...

- Vous avez fait paraître deux romans dans la collection Signe de Piste en 1976 et en 1977, le premier a obtenu le Prix des moins de 25 ans, un succès donc, comment avez-vous été amené à participer à cette grande aventure ?

 

J'écrivais des romans et des contes de puis l'âge de douze ans. Des « romans policiers »  qui mettaient en scène mes frères, cousins et moi-même dans le décor de notre beau village de Bligny-sur-Ouche, en Haute Vallée de l'Ouche, au cœur de la Bourgogne (près de Beaune).

Je rédigeais mes histoires dans des cahiers d'écoliers de 200 pages, tous vite remplis... J'étais prolixe façon Jules Verne... Mais je n'avais pas d'ambition littéraire, je ne tapais pas mes manuscrit avec une machine à écrire... Et puis le jour de mes vingt ma grand mère paternelle m'a offert une machine à écrire portable, géniale, facile à manier. Et j'avais appris en seconde, au lycée, la dactylographie. Je savais donc taper des deux mains. Alors j'ai transcrits tous mes cahiers en manuscrit lisibles, en tapant chaque feuille avec un carbone pour avoir un double : nous n'avions pas d'ordinateur et de scanner à l'époque !!!

Un de mes amis trouvait mes histoires un peu « cul-culs » et m'a suggéré un synopsis : alors sous inspiration j'ai écris mon premier « vrai roman », « LA CROIX NOIRE ». Je l'ai tapé à la machine au fur et à mesure. A l'époque j'habitais l'Haÿ-les-Roses (banlieue sud de Paris). J'allias au mycée Lakanal à Sceaux. Où j'allais prendre le RER à la gare de Bourg-la-Reine pour aller à Paris. Et à chaque fois, je passais devant la librairie du Monoprix de Bourg-la-Reine : en devanture, il y avait entre autres les Nouveaux « Signe de Piste » et des prospectus attrayants illustrés des dessins de Pierre Joubert qui annonçaient le « Prix des Moins de 25 ans ». Signe de Piste ! J'en étais restés aux bouquins des années 50 et 60 avec un pauvre papier et là nous avions des couvertures colorées, magnifiques, avec les dessins de Joubert et de Gourlier. J'ai acheté trois ou quatre romans de la collection « Le Nouveau Signe de Piste ». Pour retrouver l'époque où ma grand-mère nous lisait le soir « le Prince Eric » ou « Petit Paillon », ou encore « la Forêt qui n'en finit pas ».

Alors sur les conseils de mon copain Cédric, en septembre 1972, j'ai envoyé le manuscrit de « La Croix Noire » aux Editions Alsatia (qui allaient devenir les « Éditions de l'Epi » ensuite.  Deux mois plus tard, je recevais une réponse dactylographiée, signée « Jean-Louis Foncine et Serge Dalens, co-directeurs de la collection. Mon manuscrit était jugé bien écrit, dans l'esprit de la Collection, mais je devais le réécrire pour lui donner plus de force encore. Jointe à la lettre, il y avait « Les conseils à un jeune écrivain » signés Jean-louis Foncine, qui me proposait une rencontre.... 

Je suis allé au rendez-vous chez Alsatia, dans le 6 ème je crois... Jean-Louis, cheveux blancs, souriant, m'a reçu et m'a expliqué ce qui n'allait pas, tant au niveau de l'intrigue, de la narration , du style : peu de choses au final, mais un certain travail à faire néanmoins pour améliorer le récit. Il attendait mes corrections au plus vite.... Pour un contrat éventuel, presque assuré.

Je suis rentré très troublé... J'ai discuté avec mon copain Cédric et finalement, il m'a dit : « dans ton récit, tu fais allusion à des épisodes qui jalonnent l'histoire depuis l'an mil : pourquoi ne pas remonter en arrière et partir du début de façon chronologique ? ».

La mère de Cédric est norvégienne et c'est lui qui, dans La Croix Noire, évoquait un épisode qui se déroulait aux temps des Vikings en l'an 1000. Et sur ces entre-faits, arrive l'injonction de Michel Serres de faire un exposé sur les drakkars et les conquêtes des Vikings grâce à ce vecteur nautique incomparable progrès pour l'époque....

Alors je me suis plongé dans le monde nordique et scandinave, l'histoire, la géographie, l'expansion Vikings, la technique extraordinaire de ces navires capables de travers mers et océans... De remonter les fleuves et de gagner la profondeur des continents très loin au cœur des territoires...

Alors je me suis souvenu de certaines aventures de Prince Vaillant qui se battait contre les Vikings (oui, anachronisme, mais certains amerloques et l'exactitude historiques, hein....), puis c'était le début de « Thorgal », mais surtout je me suis souvenu d'un bouquin de chez Nathan dans la collection 'Contes et Légendes », LES VIKINGS. Puis de fil en aiguille, j'ai découvert des tas de bouquins sur la civilisation Scandinave et je me suis pris au jeu. De plus, mon copain Cédric et une fille que j'ai connu à l'époque, m'ont inspiré pour donner « corps » aux personnages principaux. Devenu brutalement amoureux de la Norvège, de ses fjords, de son histoire, moi petit Pied-noir de Tunisie, j'ai imaginé, dans la Scandinavie de l'an Mille, à l'époque où le roi Olav Tryggvesson voulait imposer sa loi aux Jarls de Norvège, une histoire … Inspiré par la chanson de Michel Legrand (la chanson « Les moulins de mon cœur, avec le vol de goélands au dessus des forêts de Norvège...) le film de Bergman « La Source » etc... mes personnages vivent dans le fond du Nordfjord, dans la province de Blaalkilde (Source bleue). Chassés par les armées du roi Olav, les Vikings rebelles sont bannis et iront avec leur drakkar jusqu'au « Nouveau-Monde » où hélas ils ne pourront pas rester. Leur recherche « du Pays d'Amour semble vaine quand ils trouvent non loin des côtes de Norvège, un archipel où ils fondent un état libre.

C'est ainsi qu'en 1974 je présente aux directeurs de Signe de Piste le Synopsis de « CIEL DES SABLES » et je reçois « le Prix du Meilleur Synopsis » décerné par le Jury du « Prix des Moins de 25 ans ». 1974, ce fut Hélène Montardre qui remportait le Prix pour « Les garçons sous la Lande ». A la remise des Prix, qui avait lieu au Restaurant « Le Bandol », rue de Parme, Paris XVII ème je retrouvais Jean-Louis Foncine qui attendait toujours mon manuscrit rénové de la Croix Noire, je faisais la connaissance de Serge Dalens, de Pierre Joubert, de Michel Gourlier, d'Hélène Montardre, de Robert Faure qui avait eu le Prix l'année précédente pour « Le Survivant », et toute l'équipe du jury du Prix des Moins de 25 ans, sans oublier Alain Gout, conseiller littéraire de Signe de Piste.

Jean-Louis Foncine m'a plaisanté plusieurs fois sur le thème : « j'espère que tu ne travailles pas que pour faire des brouillons ou des résumés »...

Je me suis mis au travail tout en continuant mes études à la Sorbonne. Pour mes drakkars présentés devant Michel Serres, plein succès, avec maquettes à l'appui et croquis en format A0... Puis enfin, fin 1975, j'envoie le manuscrit de « CIEL DES SABLES » et... quelques semaines plus tard, réponse du Jury : je suis choisis pour le Prix, ce qui signifie roman publié et à-valoir de 5000 Francs sur les droits d'auteur !!! L'aventure commencée en 1972 prenait un chemin inespéré. Sans doute mérité, car quand Dalens est intervenu au repas qui nous réunissaient « au Bandol », il avait dit que « depuis longtemps je n'avais lu de récit dans lequel la poésie donnait une si belle dimension à l'histoire et à l'Histoire avec un grand H. Merci de nous faire rêver et voyager tout en même temps, Daniel »...

- Pourquoi seulement ces deux romans ?  Y en a-t-il eu d’autres ensuite ?

Deux romans publiés, seulement : mais pleins de projets et de textes dans les tiroirs. Théoriquement, depuis  La Croix Noire en 1970/72, le cycle de « La Légende du Goéland Blanc » comportait sept romans ou récits qui se déroulaient dans le temps de Charlemagne à nos jours:cela commençait par l'époque de l'Empereur à la Barbe Fleurie, durant laquelle le simple berger Louis Galdrec, compagnon de l'Empereur,  devenait duc d'Aprelan et comte d'Aîguesmont, dans les Pyrénées Ariégeoises, en remerciement de ses faits d'armes, avec comme devise : « ne commander à personne, ni n'obéir à quiconque ! » (vaste programme...), en passant par l'aventure Viking en l'an Mil (deux récits), un épisode au temps des Cathares au XIIIème siècle, un autre au temps des Guerres de Religion au XVI ème siècle, et enfin les deux derniers se déroulant de nos jours, des années 1940 à aujourd'hui.

J'ai aussi écris des romans policiers qui ont pour cadre mon village de Bourgogne, Bligny-sur-Ouche. J'ai plusieurs projets très avancés, l'un sur l'histoire des Burgondes, ce peuple germanique qui a donné son nom à la Bourgogne, et d'autres qui sont plutôt des contes et non pas des récits : « le Renard des Étoiles » notamment, qui évoque les temps lointains des débuts de l'aventure humaine... Avoir des idées, c'est pas mal, avoir un certain talent d'auteur, c'est bien, réaliser ses projets, ce serait encore mieux....

Après l'aventure de Ciel des Sables et la Caverne du Temps, je n'ai pas cessé d'écrire. Mais n'étant plus étudiant, ayant trouvé un emploi très accaparant, j'ai privilégié sans vraiment choisir « le boulot » pour vivre et j'ai laissé le travail de création... Puis en 1985 je suis parti en Côte d'Ivoire, en Afrique Occidentale, les  liens avec Foncine, Dalens se sont distendus et devenu proviseur de Lycée en 1992, mon temps a été pris par ce travail de Romain... J'ai vraiment délaissé la création, tout en continuant à écrire de temps à autre... Mais jamais les images de mes personnages donnés à la vie par Joubert n'ont quitté mon imaginaire....

- Jeune auteur vous avez eu le bonheur d’être illustré par Pierre Joubert, ce qui n’était pas le cas de tous les auteurs, certains l’ont d’ailleurs regretté car c’était un véritable appui au récit et à la vente, Pourquoi  avez-vous été choisi ?

J'ai connu Pierre Joubert en 1974, lors de la proclamation du Prix des Moins de 25 ans (et celui du Meilleur Synopsis, dont j'étais le lauréat cette année-là). Nous avons sympathisé d'emblée, je ne saurai dire pourquoi. Je lui parlai bande dessinée, donc dessin, peinture, illustrations qui avaient enchanté notre enfance. Je lui parlais aussi de Bob Morane, dont nous avions été et étions encore de grands lecteurs dans la famille. C'était Pierre Joubert qui réalisait les Unes de couverture du héros de Henri Verne ! Cela le faisait rire, quand on parlait de  Bob Morane, dans le sens où il prenait ce « travail » d'illustrateur de la célèbre série comme « une récréation plaisante » . Quand le manuscrit de « Ciel des Sables » a reçu le « Prix des Moins de 25 ans, Foncine m'a convoqué, début 1976 : « il faut aller vite, faire les corrections indispensables, les illustrations, ton bouquin doit être imprimé le jour de la proclamation officielle du prix en juin et sortir avec le bandeau rouge ».

Je me taisais, un peu intimidé devant l'un des deux patrons de la collection au prestige immense, comme Serge Dalens d'ailleurs...

« La correction tu travailleras avec Yves (Serge Dalens) : il a déjà relu le manuscrit qui est abondamment annoté : tu dois tout relire, ligne par ligne, et nous rendre dans trois semaines une version « définitive » qu' Yves relira avant d'envoyer les épreuves chez l'imprimeur »...

J'attendais que l'on évoque illustrateur...

« C'est Pierre qui va se charger des illustrations de Ciel des Sables... » décida Foncine tout à trac. Je crus voir un petit rictus tordre ses lèvres comme s'il réprimait une envie de rire devant ma jubilation et mon explosion de joie.

« Est-ce que je peux aller le voir et travailler avec lui ?

« Pourquoi pas. Cela fait longtemps qu'il n'a pas eu de visites d'auteur : voilà son numéro de téléphone et son adresse à Meudon, 25 rue des Gardes»...

J'ai osé appelé et obtenu un premier rendez-vous... Nous étions en mars 1976.

 

-  Quels souvenirs conservez-vous de vos contacts  avec ce grand artiste ?

Ce fut Madame Joubert qui m'a accueilli, puis m'a introduit dans le bureau atelier du Maître. Pierre souriait, lunettes sur le front. Il m'a fait faire le tour du propriétaire, m'a montré sa bibliothèque, ses dossiers spécialisés. Il y avait des dessins partout, des pinceaux, porte-plume pour l'encre de chine. Il m'a montré des originaux de Une de couverture, en couleurs, des centaines de lavis dessins noir et blanc). J'étais dans l'antre du magicien créateur de mondes, chaque dessin fidèle à une scène de roman.

J'étais venu avec un bouquin sur les drakkars, extrêmement pointu, sur la vie des Vikings aussi. J'avais aussi un carton à dessin rempli d'horribles croquis, conçus comme des propositions d'illustrations, pour certaines pages caractéristiques, selon moi. Nous avons discuté de la Une de Ciel des sables, plus de deux heures durant. Passés les quatre heures, Madame Joubert est arrivée avec un plateau, thé, chocolat, jus d'oranges et gâteaux maisons. Nous avons parlé de tout, de moi et aussi de politique... Madame Joubert avait des idées bien arrêtées, sur lesquelles Pierre avait un avis « partagé » pour ne pas dire différent. Leurs fausses querelles étalées devant un inconnu n'avaient rien de gênant, car le rire l'emportait à chaque esquisse de dissension.

Je suis revenu dix fois à Meudon pour « Ciel des Sables ». Quand il m'a montré la Une de mon récit, je suis tombé amoureux des deux adolescents qu'il avait magnifiquement représenté. Il a terminé les dix illustrations intérieures (lavis noir et blanc) peu avant l'envoi du manuscrit définitif chez l'imprimeur. J'avais emporté avec moi un bel appareil photo (c'était encore de l'argentique à l'époque) et il a accepté que je prenne les originaux en photos. Il a pris soin de me donner un bonne lumière et j'ai fait plusieurs pellicules. J'ai toujours les négatifs avec moi, transformés depuis en fichiers numériques sur un CD. Pour moi, c'était un cadeau énorme : prendre les clichés de mes personnages qui prenaient vie grâce au pinceau et à la plume de Joubert, une vision de mon monde par « quelqu'un d'autre », mais d'une façon magistrale !!! 

Joubert rigolait souvent, plaisantait : mes croquis infâmes ? Loin de se moquer, il s'en est « servi », si je puis dire, mais au final c'est lui qui a choisi les scènes qui méritaient son coup de crayon, avec mon accord cependant. Quelque part, il connaissait mon œuvre mieux que moi. Et par d'insignifiants détails du texte, traduits en images, il montrait qu'il possédait complètement l’œuvre de l'auteur, il ne travaillait pas au hasard. Ce fut une expérience qui se répéta avec la suite de CIEL DES SABLES, LA CAVERNE DU TEMPS, l'année suivante (1977). Dans des conditions similaires et extraordinaires . Joubert, un pro, oui, mais un génie de la transposition de l'écrit avec des images. Il aurait pu faire de la Bande Dessinée.

Le jour du prix, il m'a dédicacé un exemplaire de CIEL DES SABLES ainsi :

                 
                     

-   Et avec l’équipe dirigeante de la collection de l’époque ?

Directeur du Signe de Piste que j'ai rencontré, ce fut Jean-Louis Foncine, qui en 1972, m'avait reçu à propos de mon « premier » roman, « La Croix Noire », que je devais re-travailler. Et c'est à cette époque qu'il m'avait envoyé par lettre le texte devenu fameux « Conseils à un jeune écrivain ». J'ai dû être un des premiers à la lire. C'était une page dactylographiée, signée de sa main. C'est devenu par la suite un « classique » dans les conseils littéraires, ce texte est devenu encore plus populaire lorsqu'il est paru dans la  Fusée 1976.

Foncine, c'était d'abord l'amitié, le contact direct, sans fioritures, les repas dans les « Hippopotamus », pour parler de tout et de rien. C'était avant tout un excellent critique de ce que produisaient les auteurs. Des suggestions toujours judicieuses, jamais de jugement... Foncine, c'était le dialogue permanent, la disponibilité, la vivacité et une énergie sans cesse renouvelée. Une maîtrise de l'écriture incomparable, journaliste de métier, il avait la plume alerte et précise. Il fallait privilégier « le mot qui fait image dans la tête du lecteur ». Un partisan absolu du récit rythmé, haletant, prêt à supprimer un chapitre inutile qui ne faisait pas peu ou prou avancer l'action. « Il faut travailler à la suppression de ce qui vain », disait-il, reprenant la phrase de Baudelaire, fin ciseleur de la langue française s'il en est.

Dalens, je l'ai rencontré en 1974, lors de la proclamation du Prix des Moins de 25 ans. Mais il connaissait le manuscrit de « La Croix Noire », et avec Foncine, il avait pertinemment émis de justes critiques pour refaire le roman (ce que j'ai fait... 40 ans plus tard  !!!!). Pour « Ciel des Sables », il a fait une correction drastique du manuscrit, sur laquelle je me suis appuyée pour finalement donner une version quasi parfaite. Il m' a aidé à corriger les épreuves, le bon à tirer, en épluchant le texte ligne par ligne : si le texte de Ciel des Sables  est ce qu'il est, c'est sans contexte à Dalens que je dois. Dalens, c'était l'écoute, la pâtience, la précision, l'exactitude, la rigueur, la cohérence dans le récit, même si l'histoire pouvait paraître incroyable, il fallait être logique même dans le délire poétique.

- Vos romans ont pour cadre la Scandinavie et surtout pour héros les Vikings. Qu’est-ce qui vous a particulièrement attiré vers ces personnages rudes et peu amènes ?

Né en Tunisie, y ayant vécu jusqu'à l'âge de huit ans, bercé par les Contes des Mille et une Nuits et autres légendes arabes, lorsque je suis rentré en France en 1958, j'ignorais tout de la culture française et européenne. Bon, à huit ans, on ne peut pas tout connaître ! Et puis j'ai découvert la région de mon grand père paternel, la Bourgogne, la région de mon grand père maternel, les Charentes (La Rochelle). Mais surtout j'ai eu la chance de rencontrer un certain Cédric, dont la mère est Norvégienne et qui m'a initié aux Sagas, à la mythologie Scandinave, aux pays Nordiques. Et puis il y a eu cette demande de Michel Serres, alors que j'étais en fac, en Histoire des Sciences et des Techniques, de présenter en exposé la technique de construction des drakkars. De fil en aiguille, je me suis intéressé non seulement aux navires Vikings, mais à leur civilisation et leur histoire. Aidé par Cédric, j'ai introduit dans la Croix Noire des éléments qui faisaient allusion aux Vikings. Et après le « refus » de « La Croix Noire », avec Cédric, j'ai repris l'un des éléments du roman et je suis allé en Norvège dans les fjords, en l'an 1000.

Ce qui m'a attiré, c'était le sentiment de liberté de ces peuples du Nord : avec leurs navires, drakkars et snekkars, ils pouvaient aller partout, traverser les océans, remonter les fleuves, piller, tuer, certes, mais aussi conquérir et instituer des régimes politiques d'une incroyable modernité. Chez les Vikings, c'était le peuple qui gouvernait, par le biais de l'Althing, assemblée des citoyens, semblable à ce qui se passait à Athènes. Les Vikings sont allés partout : Toute l'Europe du Nord, l'Irlande, l'Islande. Puis les Vikings Suédois, les « Rus », ont fondé ce qui plus tard deviendra la Russie, les Varrègues sont allés jusqu'à Constantinople et constituaient la garde rapprochée du Basileus. Les Vikings se sont installés en Normandie, en Italie du sud, en Afrique du Nord, jusqu'en Égypte. Ils ont exploré la côte occidentale de l'Afrique. Ils ont colonisé le Groenland et sont parvenus jusqu'au Nouveau-Monde, cinq cents avant Christophe Colomb. C'est ce dernier épisode que je raconte à ma manière dans « Ciel des Sables ». L’admiration d'un gamin né en Afrique pour un peuple du Nord extraordinaire. Les Vikings étaient guerriers mais surtout commerçants, et il y a eu des liens étroits entre la Scandinavie, la Méditerranée et l'Afrique. Les Vikings n'avaient pas peur de voyager , de se frotter à d'autres peuples, à d'autres civilisations, et partout où ils sont restés, ils ont créé des états puissants et riches, se mélangeant sans gêne aux populations indigènes. C'est tout cet ensemble qui m'a fasciné, un peu comme l'aventure des Phéniciens en leur temps.

- Quand vous avez gagné le Prix des moins de 25 ans, quelle a été votre réaction ?

Je vais vous décevoir : je n'ai pas été surpris. Ayant eu le Prix du Meilleur Synopsis en 1974, j'ai toujours eu confiance en ma bonne étoile. Je me suis persuadé que je décrocherais le prix tôt ou tard. Donc j'ai travaillé sur Ciel des Sables comme jamais, délaissant même mes mémoires de maîtrise à la fac. Puis j'ai remis le manuscrit en mains propres à Gilles Delacour, jeune Président du Jury en 1974, qui par la suite a été remplacé par Delphine Roughol. Forcément, lauréat du Meilleur Synopsis en 1974, je connaissais tout le monde !

Mais quand j'ai reçu la lettre en mars ou avril 1975, qui m’annonçait que je recevais le Prix, sur le coup, je n'ai pas réalisé. Je n'y ai pas cru ! Toute ma superbe assurance s'est évanouie. Mon ami Cédric a lui -même appelé Foncine qui bien entendu a confirmé la lettre signée « Delphine Roughol ». Le moment le plus intense, ce fut la remise officielle du Prix au restaurant le Bandol, car là les choses devenaient réelles.

- Aviez-vous fait du scoutisme ?

J'ai fait un an de scoutisme, lorsque j'avais neuf ans. Et ensuite, les circonstances difficiles de la vie familiale ont fait que ce sont « les colonies de vacances » du Ministère des Finances (ou mon père travaillait) et celles du Ministère de l’éducation Nationale (là où ma mère travaillait) qui nous ont accueillis mon frère ma sœur et moi. Par contre, mon père et mon oncle son frère nous parlaient sans arrêt de leurs années de scoutisme et j'en voulais à mon père de ne pas m'y inscrire...

Cependant, dans ces « colos » et camps itinérants, régnait un esprit scout, grâce à des moniteurs (on dit « animateurs » aujourd'hui) qui rivalisaient de bonnes idées pour bouger les ados lymphatiques que nous étions (presque) tous et nous proposer des aventures dignes des camps scouts. La vie en collectivité m'a appris le sens du partage et du don de soi, le sens de l'initiative. Et le soir, à la veillée, il y avait des histoires à la guitare qui faisaient rêver....

-  Comment avez-vous découvert Signe de Piste ?

Dans la maison familiale, en Bourgogne, pendant les vacances d'été, ma grand mère paternelle nous lisait le soir les romans du Signe de Piste : Le Bracelet de Vermeil, Petit Paillon, Le Foulard de Sang, Fort Carillon, Marcus Imperator, Échec au roi, etc.... Nous lisions aussi seuls, car la bibliothèque «était bien fournie. Aujourd'hui encore, il m'en reste plusieurs centaines, entre ceux de la bibliothèque familiale et ceux que j'ai acquis pendant mes années passées auprès de Pierre Lamoureux et Yves de Verdilhac.

- Vous venez après 35 ans de rééditer vos deux romans, que s’est-il passé durant ces longues années ?

De 1976 à 1980, après mes études de Droit et d'Histoire, je suis entré dans un groupe Hôtelier à Meaux comme Administrateur et secrétaire d'Emile Alexis Thingaud, chef étoilé Michelin. Une expérience fabuleuse dans le monde de la fine restauration. Hélas en 1980, le Chef a pris sa retraite, partagé ses biens entre ses enfants et mon poste a disparu. Je suis parti avec une confortable indemnité et je suis allé en Bourgogne : au Rectorat de Dijon, on m'a proposé un remplacement de Professeur d'Histoire, au collège de Saint Florentin dans l'Yonne. De remplacements en remplacements, j'ai fait les quatre départements de la Région Bourgogne et j'ai ainsi redécouvert la région de ma famille paternelle (Mâcon, Chateau-Chinon, Lormes, Montsauche, La Machine, Châtillon sur Seine, Autun . Ma résidence principale était devenue la maison familiale de Bligny sur Ouche (près de Beaune), construite au bord de la rivière (qui forme à l'ouest de Dijon le lac Kir) ... Puis en 1983, j'ai été titularisé sur titres comme Adjoint d'Enseignement en Histoire-Géo mais j'ai dû m'exiler en Lorraine, Thionville puis Châtenois vers Neufchâteau.     

En 1985, je suis parti en Côte d'Ivoire, au Lycée Français de Bouaké, le Lycée René Descartes. Et c'est vrai que rapidement, à cause de l'éloignement, mes relations avec les dirigeants de Signe de Piste se sont estompées. Mais l'aventure Francine a été formidable pour moi qui suis né en Afrique du Nord. J'ai visité le Mali, le Niger, le Burkina Faso, le Togo, le Bénin, le Sénégal etc.... Et à Bouaké avec mes amis français et Ivoiriens, nous avons fait beaucoup de théâtre. Les Africains adorent la littérature française, ils écrivent très bien et raffolent du théâtre...

- Vous rééditez à compte d’auteur, pourquoi pas sous le label Signe de Piste avec lequel ils ont été connus ?

Quand je suis revenu en France en 1991, j'ai passé le concours de Proviseur de Lycée, que j'ai eu, et dans cette nouvelle activité, il n'y avait pas de place ou peu pour l'écriture. Je n'ai repris contact avec Signe de Piste qu'en 2010 : et j'ai découvert que les Editions Delahaye avaient repris le Label. Très bon premier contact et je me suis dit que j'allais pouvoir rééditer mes romans et surtout reprendre le Cycle de La Légende du Goéland Blanc. Mais quand j'ai reçu le contrat, je me suis rendu compte qu'il s'agissait d'une proposition de contrat dit «  de compte à demi », dans lequel je devais payer 1200 € par titre pour me faire imprimer et bénéficier du label « Signe de Piste », pour 300 exemplaires par titre. De plus, si je voulais avoir des exemplaires pour les vendre moi-même dans des salons, il me fallait « racheter » les livres avec une réduction « auteur » de 30% ».  Renseignements pris auprès de l’imprimeur, je me suis rendu compte que, avec la même somme, je pouvais imprimer directement 300 exemplaires de chaque titre.... Et les vendre moi-même... Bien sur sans le label « Signe de Piste », hélas !
Pour des raisons financières, je n'ai donc pas donné suite à cette proposition de contrat.


Je me suis adressé directement à Michel Joubert pour obtenir les droits d'utiliser les illustrations de Pierre Joubert. Ce qu'il m'a accordé. J'ai donc recomposé les deux textes des deux romans sous Word, puis je me suis servi des négatifs des photos des illustrations de Pierre Joubert et j'ai reconstitué mes ouvrages de A à Z, de la Une de couverture jusqu'à la 4 ème de couverture, en passant par la mise en page des textes et des illustrations.

-  Il y a une suite à ces aventures ? Pouvez-vous nous en parler ?

Il n'y a pas de « suite » à proprement parler : mais j'ai repris « la Croix Noire », le roman des origines de « la Légende du Goéland Blanc », que je réécrivais lentement mais sûrement depuis 1978. Et j'ai achevé le manuscrit en juin 2013. Il est sorti en auto-édition chez « TheBookEdition », sous le titre de : « LE VIOLON DE LA LIBERTE ». C'est pour moi un acte important, car quarante après je livrais enfin ce roman que j'avais promis à Foncine et Dalens. Hélas ils ne sont plus là pour le relire et me dire éventuellement : «  eh bien tu vois, Daniel, tu as mis le temps, mais tu y es arrivé ! »....

- Livrez nous votre secret pour vendre vos romans sans véritable circuit de distribution et comment toucher vos lecteurs et acheteurs potentiels ?

Pour vendre mes romans, j'ai d'abord un site Internet, « IMAGINAREVE »   www.imaginareve.com

Sur le site on trouve sous le premier onglet tous mes romans et on peut me les commander directement. Ensuite, chez mon Éditeur « TheBookEdition », mes livres disponibles sont en ligne dans la librairie numérique, on peut les commander en version « papier » ou en fichier numérique téléchargeable par le biais de leur boutique en ligne. Enfin, je participe à de nombreux salons du livre, et par mail, je contacte mes connaissances, réseaux d'amis et familial. J'ai aussi un compte « Facebook ».

Soyons honnête, je n'ai pas atteint des chiffres faramineux de vente, mais pour Ciel des Sables  et La Caverne du Temps je dépasse les mille exemplaire vendus directement ou par le site « TheBookEdition ».

- Regrettez-vous l’absence du logo Signe de Piste sur vos couvertures ?

Oui, j'ai toujours aimé le logo Signe de Piste, qui a évolué avec le temps. C'était un beau  symbole, qui exprimait l'amitié, le partage, la solidarité, l'aventure, le rêve, les voyages, l'amour du prochain, la littérature par la joie. Un esprit d'équipe que j'ai connu quand est née l'Association des Amis du Signe de Piste, à laquelle j'ai assisté de très près, en 1975. Nous étions unis pour une même cause, faire connaître la littérature pour la Jeunesse sans frontière.

- Pouvez-vous nous parler de vos projets littéraires ?

Après « LE VIOLON DE LA LIBERTE », je travaille sur la suite qui pour l'instant, porte de l titre provisoire de : « SERENADE POUR UN PAYS MEURTRI ». Je travaille aussi sur « UN DICTIONNAIRE AMOUREUX DE LA BOURGOGNE », avec comme « prisme » l'Histoire, surtout celle des Burgondes, ce peuple germanique qui a donné son nom à la Bourgogne. Je travaille aussi sur « LE RENARD DES ETOILES », un conte pour enfants qui évoque les premiers temps de l'humanité et la naissance des grands mythes fondateurs de notre civilisation.

Le cadre géographique de « Sérénade pour un pays meurtri » est tout simplement l'Archipel des Goélands », l'Etat libre voisin des côtes de Norvège, que Cédric Asgard et les siens ont fondé en l'an mil, après leur tentative avortée de s’installer dans le Nouveau Monde.

Mille ans plus tard, l'Archipel existe toujours, région autonome de la Norvège. Mais dans les années 60, 15 ans après la fin de la Seconde Guerre Mondiale, les lointains descendants des fondateurs de l'Etat Libre de Warmorland se divisent. Ils ne sont pourtant pas nombreux... Hélas, il y a entre eux un ressentiment très ancien, qui trouve son origine dans la fracture ethnique, c'est à dire l'opposition entre les descendants des Vikings de Blaakilde et ceux des Celtes venus d'Irlande malgré eux. En réalité, derrière cette pseudo rivalité « raciale », se profile le problème du contrôle des énormes richesses du pétrole offshore qui gît dans les profondeurs du plateau continental norvégien, donc Warmorlandais.  Une richesse potentielle énorme, dont le secret de la position des gisements est détenu par le camp de ceux qui ne veulent pas que l'on exploite les hydrocarbures sous marins, par crainte de polluer l'océan et les côtes, tandis que l'autre camp est prêt à tout pour s'emparer des résultats des recherches géologiques et se lancer dans l'extraction de l'Or Noir off-shore pour en tirer le plus grand profit ....

La guerre civile menace, mais de jeunes musiciens décident de tout faire pour s'interposer entre les rivaux irréductibles, afin de prôner la paix et la réconciliation... Des instruments de musique face à des armes sophistiquées, Des ballades de Chopin, des sérénades de Schubert pour amadouer des généraux, étouffer les bruits de bottes et le son du canon, l'entreprise semble par avance vouée à l échec ... Et pourtant...

A SUIVRE !!!!

 

- Le site Signe de Piste publie une interview réalisée par votre épouse Brigitte, (http://signe-de-piste.com ) j’espère que ces quelques questions ne feront pas double emploi.

Je ne le pense pas vraiment, j'ai composé un autre texte tout neuf !

- Je vous remercie de votre patience au nom des lecteurs de jeuxdepiste.com et j’espère pouvoir rapidement parler du 3ème volet de la saga des Vikings de Blaakilde.




©Michel Bonvalet 2014