Victor Hugo et le scoutisme.   

Fantaisie Hugolienne de Francis Maire

Bonjour.
Cette information extraordinaire vient d'une découverte inouïe : ma sœur est documentaliste dans un lycée important du nord de la France et a trouvé en cherchant dans une maison ayant appartenu à la famille Hugo, un dossier qui semblerait avoir été constitué par la petite fille de Victor, Jeanne elle même.

La preuve en serait des traces de confiture sur certains documents, à mettre en relation avec un court poème du grand Victor dans "L'art d'être Grand père", intitulé "Jeanne au pain sec", et qui se termine par ce vers : "Eh bien, moi, je t'irai porter des confitures".

Il semblerait que ce soit de la mure sauvage, comme il en pousse en Normandie. Une analyse est en cours, dont nous attendons les résultats, et qui authentifiera indiscutablement ces documents.

Ce dossier nous révèle que Victor Hugo aurait eu une vision très réaliste du scoutisme, et en aurait tiré un roman, excellent aux dires de Jeanne. Mais le Maître n'ayant pas voulu le publier lui même, le trouvant trop futuriste, s'est adressé à Jules Verne qui lui aurait répondu : "pas assez scientifique pour moi, j'ai mieux à la maison" et aurait donc refusé. Cependant il s'est empressé d'écrire "L'école des Robinsons" qui a le même thème et la même structure que le roman de Victor !

Quoi qu'il en soit, de dépit, Victor a déchiré son œuvre. Seule Jeanne l'avait lue, et avait réussi à noter les idées principales et le plan.

Il ne restait au poète q'un petit texte, en vers, mais il était ambivalent quant à son devenir. Ne voulant ni le publier, ni le détruire, il garda la trame, et changea uniquement le contexte. Le titre est devenu "Océano nox", que tout le monde connaît, et qui a eu un beau succès au hit parade des récitations des écoles primaires.

Nous avons retrouvé l'original ! que nous vous livrons ici en toute première, pour enrichir le forum !

Voici en parallèle la version connue, et (en italique) l'ancienne, l'original :


Océano nox    Aux Scouts, toujours !


O Combien de marins, combien de capitaines
Qui sont partis joyeux pour des courses lointaines
Dans ce morne horizon se sont évanouis.
Combien ont disparus, dure et triste fortune,
Dans une mer sans fond, par une nuit sans lune,
Sous l'aveugle océan à jamais enfouis.

O Combien d'éclaireurs, combien de routiers,
Qui sont partis joyeux pour un camp tout entier,
Dans ce morne horizon, sont revenus déchirés.
Combien y ont laissé sur orties ou ronciers,
Qui leur chemise, qui leur culotte ou leurs souliers,
Sous cet aveugle chant, à pleine voix braillé.


Combien de patrons morts avec leur équipage,
L'ouragan de leur vie a pris toutes les pages,
Et d'un souffle il a tout dispersé sur les flots.
Nul ne saura jamais leur fin dans l'abîme plongée
Chaque vague en passant d'un butin s'est chargée
L'une a saisi l'esquif, l'autre les matelots.

Combien de chefs et assistants, partis avec leur troupe,
L'ouragan de leur vie, résumé en un mot : Scout,
SDF, SUF, louveteaux, éclaireurs  ou Pionniers,
Nul ne saura jamais leur faim, après la veillée :
Chaque gars en passant d'un butin s'est chargé,
Ils ont mis du pain et du chocolat dans leur panier.

Nul ne connaît votre sort, pauvres têtes perdues,
Vous roulez à travers de sombres étendues
Heurtant de vos fronts morts des écueils inconnus.
Oh ! Que de vieux parents qui n'avaient qu'un seul rêve
Sont morts en attendant chaque jour sur la grève
Ceux qui ne sont pas revenus.

Nul ne connaît votre joie, patrouilles éperdues,
Vous marchez sous de sombres forêts étendues,
Heurtant de vos pieds lourds, des sentiers inconnus.
Combien de vos parents qui n'avaient qu'un seul rêve
Se morfondent en attendant ceux qui sans trêve,
Marchent, jouent, courent, sourient aux nues.

On s'entretient de vous parfois à la veillée,
De vieux cercles joyeux, assis sur des ancres rouillées
Mêlent encor quelque fois vos noms d'ombre couverts
Aux rires, aux refrains, aux récits d'aventure
A un baiser dérobé à vos belles futures
Tandis que vous dormez sous des goémons verts.

On s'entretient de vous parfois dans des romans.
De jeunes auteurs essaient à l'encre leur talent,
Mêlant vos jeux, vos rires et vos sorties d'hiver
A une intrigue, un grand jeu, une aventure,
Un signe, une piste, une histoire de prince qui dure,
Pendant que vous dormez sous un double toit vert.

On demande : Où sont ils ? Sont-ils rois dans quelque île ?
Nous ont ils délaissés pour un bord plus fertile ?
Puis votre souvenir même est enseveli
Le corps se perd dans l'eau, le nom dans la mémoire.
Le temps qui sur toute ombre en verse une plus noire,
Sur le sombre océan jette le sombre oubli.

On demande : Que font-ils ? Pas une carte, pas un mot ?
Nous ont-ils oubliés pour des jeux plus sots ?
De votre souvenir sommes nous absents ?
Les corps jouent dans l'eau, le camp jusqu'au soir
Occupe tout votre temps, vide votre mémoire,
Et dans la sombre nuit, dorment nos enfants.

Bientôt votre ombre même a disparu
L'un a sa barque et l'autre sa charrue.
Seules dans les nuits où l'orage est vainqueur
Vos veuves au front blanc, lassées de vous attendre
Parlent encor de vous en remuant la cendre
De leur foyer et de leur cœur.

Bientôt alors qu'une ombre toute noire se lève,
Le camp s'anime, et chacun sort de ses rêves.
Dans des fins de nuits où l'orage fut vainqueur,
Vous vous dressez, fiers chevaliers, et de tout cœur
Vous entonnez le chant du lever des couleurs :
"Sonne sonne Eclaireur, sonne de tout ton cœur".


Et quand la tombe enfin a fermé leurs paupières,
Rien ne sait plus votre nom, pas même une humble pierre
Dans l'étroit cimetière où l'écho nous répond,
Pas même un saule vert qui s'effeuille à l'automne,
Pas même la chanson naïve et monotone
Que chante un mendiant à l'angle d'un vieux pont.

Et quand la trompe a enfin fermé le camp hier,
Personne ne sait plus qui était là, ni les pierres,
Dans l'étroite vallée où l'écho nous répond,
Pas même un trou, un feu, pas même un papier gras,
A peine une trace de sentier tout le long
De la clairière où le bois était en tas.


Où sont ils les marins sombrés dans la nuit noire ?
Oh ! flots que vous savez de sombres histoires
Flots profonds redoutés des mères à genoux,
Vous vous les racontez en montant les marées
Et c'est ce qui vous fait ces voix désespérées
Que vous avez le soir quand vous venez vers nous.

Oh ! Scouts qui campiez dans les grandes forêts noires,
Tous vos souvenirs sont de bien belles histoires,
Vous vous les racontez quand vous vous retrouvez,
Anciens, réunis autour d'un bon vieux thé,
Avec ces voix chevrotantes de monotonie
Que vous prenez dans votre mélancolie.


 



©2004 Francis Maire