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LE BANIAN ÉCARLATE

par Michel Bonvalet

Une simple fiche de lecture est insuffisante pour ce récit romancé.

Difficile de lire Le banian écarlate sans qu’une foule de sentiments ne vous assaillent, de la révolte au dégoût en passant par la tristesse, la compassion, la honte…

Difficile de conserver les yeux secs devant l’étalage des monstruosités qui nous ont échappées en son temps,  censurées par la plupart des médias, esclaves que nous sommes de l’information édulcorée et télévisuelle.

Comment le monde, l’ONU en particulier, a-t-il pu laisser passer l’avènement d’un Pol Pot, tyran sanguinaire ? Et plus tard ne pas lui faire payer le génocide de son peuple ? Comment avons-nous pu supporter, après l’horreur nazi et stalinienne, la montée d’une idéologie basée sur l’esclavage de l’homme par l’homme, la remise au niveau zéro d’un peuple entier, la torture pour la torture ?

Il faut des récits comme celui-ci pour rappeler que toute idéologie, toute religion portée à l’extrême n’engendre que chaos.

Ce livre prend aux  tripes le plus aguerri des lecteurs.

On ne peut que se sentir étroit, mesquin, avec nos petits problèmes quotidiens, nos revendications, nos congés, nos Codevi et autres StarAc en regard de la souffrance inhumaine d’un pays entier massacré, réduit à l’esclavage le plus vil par ses propres enfants fanatisés et ivres de cruauté.

L’espoir pourtant n’est jamais absent dans ce livre et Edith Lesprit sait de quoi elle parle puisqu'elle  est elle-même membre d'une  organisation humanitaire très active.

L’action de ces hommes et femmes, organisations humanitaires médicales ou non, est apte, en dépit des difficultés rencontrées, à soulager la douleur et faire savoir au monde ce qu’on lui cache « pudiquement ».
Ils apportent leur témoignage là ou le silence est de rigueur.

Au nom de quel « Dieu » a-t-on le droit d’utiliser des enfants prêts à mourir pour un idéal mais aussi prêts à tuer comme on joue à la guerre.

La souffrance des Cambodgiens en 1975/1980 est comparable à celle de tous ces peuples mis à mal au nom d’une religion, d’un territoire, d’une richesse , ou d'une simple opinion contradictoire.  Il n’est qu’à regarder autour de soi, de nos jours encore.

La mort semble bien peu de chose en comparaison des raffinements de torture que les Khmers rouges ont infligés à leurs propres frères.

Qui doit-on admirer le plus du dévouement de ces missionnaires de l’humanitaire plongés dans l’horreur dès la descente d’avion, c'est-à-dire au seuil de la civilisation, ou de ces peuples martyrs qui meurent silencieusement et dignement ?

Ce livre est un de ceux qui marque et qui avec quelques autres fait honneur à la collection Signe de Piste.

Puisse-t-il ouvrir les yeux à ceux qui se sentent une âme de révolutionnaires : Il n’y a pas de juste cause qui mérite cette horreur !

L’histoire contée par Edith Lesprit est source d’espoir : Un  jeune médecin étudiant, né au Cambodge  part pour tenter de retrouver ses amis abandonnés lors de la prise de pouvoir de Pol Pot, après cinq ans de séparation…Il va les rencontrer dans les camps de réfugiés ou il se dévoue avec d'autres médecins. Ces camps où les Cambodgiens se croyant sauvés de l'horreur, sont parqués et traités en ennemis.

Tout est bien qui finira bien… Mais l’histoire est surtout prétexte à nous faire toucher du doigt la fragilité de notre civilisation, l’inanité de notre confort, la perversité de l’homme qui devient pire que la pire des bêtes fauves.


La beauté du livre réside dans sa réalité cruelle dépeinte sans hypocrisie et dans le dévouement des personnels médicaux et les difficultés rencontrées  pour accomplir leur mission.

L'auteur nous met en face de notre immobilisme lâche, de la manipulation des médias qui ont minimisé ce massacre d’innocents. C’est une leçon d’humanité que nous donne l’auteur,  sans le chercher, en se contentant de décrire.

Un livre à lire, à relire et à méditer !


Edith Lesprit a travaillé avec"médecins aux pieds nus" entre autres missions humanitaires et fondé l'ADAPT (association pour le développement de l'acupuncture dans les pays du Tiers monde). Elle a écrit de nombreux ouvrages pour la jeunesse dont ces trois pour Signe de Piste:

Le désert sacré, NSDP 4 (1975)
Le banian écarlate, NSDP 131 (1986)
La piste des larmes, NSDP 139 (1988)

 



Le banian écarlate
Edith Lesprit
Illustrations de Pierre Joubert
collection Signe de Piste  n°131
Editions Universitaires 1986

©2004 Michel Bonvalet