fiche lecture

L’EQUIPAGE NOIR

Par Michel Bonvalet



J’ai déjà dit maintes fois que je suis un inconditionnel de Bruno Saint-Hill (ou Philippe de Baer puisqu’il a choisi ce pseudo pour la collection Jamboree). D’abord pour ses grandes qualités d’écrivain, bien sur, mais aussi pour la façon magistrale qu’il a de décrire la Sologne où j’ai eu la joie de vivre quelques années.

Je ne suis pas chasseur, encore moins de noble souche féru de chasse à courre et d’équipages. La vénerie m’est inconnue et je peux affirmer que mon amour immodéré des bêtes réprouve cette traque soit disant sportive où la bête sauvage n’a que peu de chance de sauver sa vie, sauf dans les romans.

Et pourtant ce diable d’auteur parvient à me faire vibrer au son de la trompe de chasse à travers sa saga des Nampilly et de cet Equipage noir qui lui ressemble beaucoup.

Ce dernier livre contient même une mini encyclopédie de la vénerie.

On retrouve dans cet ouvrage tout l’univers de Bruno Saint Hill, avec ses excès, son royalisme non dissimulé, mais aussi son amour de la nature et des êtres humains : Le collège, refuge de jeunes adolescents en crise, les aristos fauchés vivants dans des châteaux à courants d’air, des paysans fidèles qui braconnent sur les terres interdites, les amitiés impossibles entre des classes par trop différentes, la mort qui rode autour des principaux personnages, le père absent, la chasse, les coups de fusils qui résonnent sous les frondaisons etc.…

L'Equipage noir n’échappe pas à cette période « fin de race » qui frappe les moins fortunés des hobereaux. Est-ce un brouillon précurseur de Tempête sur Nampilly ou une histoire écrite en parallèle ?

La forêt est omniprésente, humide, oppressante, inquiétante et magnifique, les grands sentiments aussi, loyauté, générosité, amitié…

Le républicain qui sommeille en moi a bien du mal a plaindre ces pauvres propriétaires terriens se saignant pour conserver un domaine à demi délabré où règne la fièvre et où on ne s’éclaire plus qu’à la lampe à pétrole.

Bruno Saint Hill est un sorcier qui nous fait digérer cette situation d’un autre âge, au point qu’on en redemande et qu’on rêve de cette Sologne qu’il nous propose.

Ah! mon beau château…Mais les propriétés aujourd’hui n’appartiennent plus qu’à des riches hommes d'affaires, citadins de surcroit, les parcs clos par des grillages, interdits aux promeneurs, réservés à une élite qui seule jouit de ces splendeurs !

La chasse à courre sera bannie comme en Angleterre et n’est déjà plus qu’un beau souvenir pour quelques élus et quelques anciens qui, comme Bruno Saint-Hill nous font revivre un passé qui fut glorieux (peut-être moins pour les manants,  rabatteurs et autres piqueux…)

J’ai pourtant aimé ce roman, bien qu’un tantinet mélodramatique.

Philippe de Baer est un grand auteur…(bis repetita).



L’équipage noir
Philippe de Baer
Illustrations de Pierre Forget
Collection Jamboree
Editions SPES 1955


©2004 Michel Bonvalet