faon l'héroïque

Avant propos : Le texte de Philippe Maurel suivi du commentaire d’Alain Gout, n’est pas à proprement parler une fiche de lecture mais plutôt quelques reflexions inspirées par la lecture du chef d’œuvre de Maurice Vauthier. Ces reflexions sont issues du Forum jeuxdepiste et nous ont semblées si pertinentes que nous n’avons pas résisté au plaisir de les faire partager.
Michel Bonvalet

J'ai été frappé par la première illustration de couverture du chef d'oeuvre absolu que constitue pour moi "Faon l'héroïque" et salué comme tel par Serge Dalens lui-même. Intéressante et étonnante illustration car elle est centrée davantage sur le personnage du braconnier que sur celle du jeune héros contrairement aux couvertures suivantes, et notamment la magnifique illustration de l'édition Safari Signe de Piste.
Le dessin est d'une rudesse qui confine à la brutalité. Le personnage est porteur d'une arme à feu et affublé d'un regard en coin sournois et ténébreux qui n'est pas pour inspirer la confiance. Et pourtant, il tient dans ses bras un frêle adolescent qui paraît rassuré par cette sourde tension, empreinte d'agressivité, que dégage cet homme. L'ange et la bête sont ainsi réunis dans la même composition scénique qui met en relief leur complémentarité, mieux leur connivence.

faon couv refusée

Se trouve ainsi illustré l'un des thèmes qui forment la colonne vertébrale du roman, à savoir ce retournement des faux semblants où le bien et le mal finissent par s'unir et se dépasser. Il y a de la sainteté chez cet homme fruste et violent, en butte à l'hostilité ambiante et qui trouve le chemin de la rédemption dans le réconfort qu'il apporte à un adolescent inexorablement promis à une fin prochaine. Il y a un peu de l'ange de théorème du film de Pasolini (tourné aux alentours de la parution du livre) dans ce jeune héros, un ange qui réunit les contraires et apporte une paix des âmes au delà de la tourmente inspirée des codes moraux établis. C'est ce que cette illustration (dont on nous dit qu'elle a été refusée par l'éditeur) me semble le mieux exprimer.

Je m'étais promis de ne pas relire le roman pour rester sur l'impression première de mes jeunes années. Encore une promesse que je vais devoir sans doute remiser une fois de plus.

Deux petites observations pour compléter mon propos sur "Faon l'héroïque".

Sur la couverture de Joubert (exemplaire du SSDP et reprise par la suite en NSDP) c'est vrai que la représentation imagée du héros le fait apparaître en quelque sorte paisible et sans souci. Mais loin d'être une accroche plus commerciale, elle me paraît aussi correspondre à l'une des facettes du personnage. Car il y a quelque chose de proprement évangélique (qui annonce la bonne nouvelle) chez le jeune Faon. Sa mort annoncée n'en fait pas un martyr mais un médiateur, un intercesseur pour un futur apaisé. De fait, l'image de couverture un peu sulpicienne de Joubert ne dépare pas avec le contenu du livre.

Quand je parlais ensuite du regard sournois de Gaur, je voulais surtout insister sur sa tonalité bestiale, mais c'est vrai que l'adjectif n'était guère approprié. Qui fait l'ange fait la bête et le dessin mettait en évidence cette dualité mais aussi cette équivalence.

Quant à lire le roman, tous ceux qui ne l'auraient pas fait devraient voir leur impôt sur le revenu majoré, recta, de 10 %. Faut quand même pas charrier...

Note d’Alain Gout : Bien d’accord avec l’appréciation de Philippe qualifiant « Faon l’héroïque » de ‘’chef d’œuvre absolu’’ (ce qui n’est pas limitatif, il y a beaucoup d’autres pépites dans la collection : la « Tache de vin » et la « Mort d’Eric », le « Relais », etc, etc, pour les valeurs reconnues ( ?), mais aussi, dans des chemins moins fréquentés, Piqualise », la trilogie « Quincambois », ou encore, dans un genre plus grave, « Manfred « Le Capitaine du Jamboree », mais j’arrête l’énumération, on n’en finirait pas : la qualité SDP est d’une rare constance). Faon, comme Baudouin, fait partie des des plus belles figures du petit peuple du SDP.

La couverture refusée se trouve sous forme de deux dessins dans l’album "Joubert-Signe de Piste tome 3 " . Ce dessin n’a pas été retenu par l’un de nos chers directeurs (je ne dirai pas lequel des deux, paix à ses cendres), et on peut comprendre, commercialement, qu’il ait pu inquiéter, mais il est beaucoup plus proche de la vérité du roman que la couverture refaite, qui présente un Faon paisible et sans soucis, ce qui est assez éloigné de la réalité du roman. Mais c’est une belle couverture malgré tout.

Le regard de Gaur est-il ‘’sournois et ténébreux’’ ? Ténébreux, pourquoi pas ? Mais sournois, ça ne ressemble pas au personnage créé par Vauthier. Il est fruste, mais plein de cœur et de délicatesse. Il est du même bois que cet autre personnage repoussant que l’on croise dans Harry Potter, et qui a le cœur sur la main et la larme facile…

Quant à relire Faon, tu peux y aller sans crainte. C’est un grand crû, il vieillit bien.

Pour mémoire : rappel du thème de ce roman ayant obtenu le Grand Prix du Salon de l’Enfance et couronné par l’Académie française :
« Dans son manoir des bois, Faon DARGAL semble un peu vivre au milieu d’un mirage. Joue-t-il ? Rêve-t-il ? D’où vient cet étrange pouvoir dont il dispose sur son entourage ? Pourquoi, soudain, ces coups de feu dans la nuit ?
Tout au long d’une poignante progression, le lecteur découvrira l’extraordinaire visage de ce garçon, son âme ardente et magnifique- le suivra avec une tendresse fraternelle sur ses chemins de lumière.
Car Faon veut accomplir quand même la tâche généreuse qu’il s’était fixée « Il n’est pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime. » C’est dans cette offrande, en pleine action, qu’il recevra la récompense d’une victoire que l’on n’attendait plus. »

Maurice Vauthier qui est décédé en août 2007 a écrit de nombreux romans chez divers éditeurs dont une quinzaine pour Signe de Piste. Sa biographie comme la liste de ses écrits se trouve sur le site des Amis de Signe de Piste