fiche lecture

LES ENFANTS DU FLAMANT BLEU


Michel Bonvalet


Ma nature profondément critique et un rien d'esprit frondeur m'incitent à me méfier des gens dont on dit beaucoup de bien et des œuvres devant lesquelles s'esbaubit le plus grand nombre !

Pour ce qui est de la littérature jeunesse, je suis nourri de Dalens, Foncine, Valbert, d'Yzieu et les autres. Je suis d'emblée curieux d'un nouvel auteur qui arriverait à me les faire oublier. Un nouveau style, une écriture moins incisive, je crains toujours d'être déçu en faisant la comparaison.

C'est dans cet état d'esprit qu'on ne peut qualifier d'ouvert que j'ai abordé "Les enfants du flamant bleu" confiant malgré tout en la recommandation de l'éditeur qui ne m'a jamais déçu dans ses choix.

Un roman de 268 pages écrit il y a 24 ans par un Vladislav Krapivine, dont on dit qu'il est le Tolkien russe ?

Devrai-je ajouter que j'ai passé l'âge et l'envie de lire des contes moralisateurs qui, sous couvert d'histoires pour enfants tentent de faire découvrir au lecteur le monde cruel et inhumain dans lequel il vit quotidiennement... et que je ne supporte les récits fantastiques qu'avec de formidables effets spéciaux et sur grand écran.

Je n'avais donc rien, vraiment, pour apprécier ce roman, si ce n'est un brin de poésie.

Et je le clame très fort: J'ai adoré Les enfants du flamant bleu !

J'ai ouvert ce livre certain de me lasser au bout de quelques pages et ne l'ai plus quitté jusqu'à la dernière ligne.

C'est à la fois un livre pour enfants, pour ados et pour adultes à l'issu duquel on ne sait si le récit n'est qu'un rêve ou une réalité poétique, tant le concret y cotoie le fantastique.

Malgré moi j'ai pensé au prisonnier, souvenez-vous...cet homme joué par Patrick McGohan qui vit dans une île ou tout et tout le monde est parfait mais dont il n'arrive jamais  à s'évader... sinon à la fin de la série... J'ai pensé à Lewis Carroll et à Alice dans son pays des merveilles, à Foncine et à sa bande d'Ayacks en révolte contre l'autorité des adultes, à Peter Pan et la bandes de mômes en lutte contre Crochet...J'ai pensé à l'illusion, l'imaginaire, la guerre des gosses (ou des boutons), à Robin des bois à la sauce cosaque.

On cherche des liens, des inspirations, des styles pour s'apercevoir enfin que cette littérature est propre à Krapivine et à personne d'autre !

Sans doute l'auteur sibérien a-t'il absorbé malgré lui  les écrits de ses ainés mais il ne fait pas de doute  qu'il est un merveilleux conteur d'aventures fantastiques doublé d'un poète de l'enfance...

Le roman nous emporte sur l'île de Dvid, invisible de la mer, en compagnie de Génia, jeune garçon de 12 ans qui confond ses jeux de chevalerie à l'épée de bois avec la réalité malsaine dans laquelle l'entraîne des adultes malveillants.

Risquant la mort pour fuir la cité ou règne l'ordre, où on ne rit jamais, où le dragon de mer entretient la peur des habitants, Génia va sauver un oisillon et devenir l'ami du flamant bleu géant
.

Il rencontrera ensuite une bande d'enfants en révolte guidée par un Gali local, et trouvera Jules qui deviendra son ami. Ensemble il sauront lutter pour recouvrir la liberté au prix de vrais sacrifices.

Légende ? rêve? réalité ? le lecteur est pris par le récit et demeure, une fois le livre fermé, le compagnon du petit Génia qui a retrouvé ses parents et ne sait pas bien lui-même si son aventure a vraiment existé ?

C'est l'art de Krapivine de rendre passionnante une histoire qui  sous tout autre plume eut pu passer pour un conte onirique pour enfant.

Les rêveurs, les aventuriers, les positifs, les littéraires, tout le monde y trouvera son compte ... même, ceux qui, comme moi, chercheront des références dans la littérature jeunesse pour tenter de donner une étiquette improbable à cet auteur difficilement classable mais combien agréable à lire !


Soulignons les belles illustrations de Medvedev qui s'adaptent parfaitement au texte en en soulignant l'aspect illusion et poésie.



Les enfants du flamant bleu
Vladislav Krapivine

illustrations de Medvedev
Éditions Delahaye 2004   



©2006 Michel Bonvalet