les ombres
 
   
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LES OMBRES

par Michel Bonvalet



Il y a quelques semaines, à l'occasion d'un échange de vues sur le Forum, j'avais souligné que Simone Commandeur avait du être impressionnée par Les Tricheurs, film et livre de Marcel Carné sorti en 1959. Je n'avais lu, à l'époque, que Les Masques (Signe de piste n°175) qui conte une amourette au sein de la jeunesse dorée parisienne à l'occasion de vacances à Monte Carlo.

Un livre fort bien tourné mais qui nous éloigne un peu de notre notion d'aventure, à moins d'y incorporer celle des sentiments et toujours les mêmes difficultés de passer de l'adolescence à l'âge adulte. Encore qu'on trouve dans cet ouvrage un cri en faveur de l'égalité des sexes, point sensible en 1966 et qui n'a pas encore été tout à fait résolu à ce jour.

En dépit d'une certaine candeur, j'ai aimé Les Masques pour l'originalité de l'histoire qui apportait un style nouveau dans la collection.

Il en va différemment avec Les Ombres qui date de six ans auparavant.

L'histoire est un peu confuse, car au travers de 3 grandes parties, nous suivons l'évolution caractérielle de Daniel, fils de bourgeois, ancien scout qui s'encanaille volontiers avec les petits voyous des bas quartiers avant de chercher à sauver les "blousons dorés" en détresse.

Il y a sur fond de Tricheurs (je suis obstiné) un peu de Chiens perdus sans collier.


Une façon mélodramatique de décrire la jeunesse délinquante (au début du livre, celle des bas quartiers, pour terminer dans les arrondissements huppés avec des criminels en puissance, cravatés et bien élevés). Rien n'y manque y compris la mort accidentelle d'un petit voyou que se reprochera Daniel qui n'a pas su réagir à temps.

Les illustrations de Michel Gourlier en rajoutent une couche (voir la couverture avec le gosse paumé au pull rouge rapiécé de jaune, le mouchoir a demi sorti de la poche...misère...misère!)

Simone Commandeur, dont, au demeurant, j'apprécie la façon d'écrire, a lu Les Voleurs de Dalens et s'en est imprégnée. Les discours sont un peu grandiloquents, et les bons sentiments sont de rigueur. Du fils de famille dévoué aux jeunes démunis, au curé qui construit, avec eux, la nuit, une maison des jeunes. (façon Abbé Pierre)...On aimerait que tout cela soit plus réaliste.

Le mauvais garçon trouve la grâce devant le travail accompli par ceux-là même à qui il venait donner une correction.

Je ne sais si l'auteur écrit encore, mais en dépit de mes critiques, j'ai aimé la fluidité de sa prose, les situations bien cadrées. Un livre agréable à lire, bien qu'un peu dépassé (il date de 44 ans)...

Il trace un portrait plein d'espoir de la jeunesse pré-soixante-huitarde où on distingue parfaitement les fossés creusés par les différences de classes.

Daniel erre au milieu de ses ombres souvenirs... on aimerait bien qu'il les rattrape en plein soleil.


Simone Commandeur
Signe de Piste  n° 143
Éditions Alsatia, 1960

©2004 Michel Bonvalet