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   lecture 
 
 BRUME SUR LE
MEZENC
 
 ( suivi de : L'ETRILLE )
 
 Francis Maire
 
 
 A la première 
 lecture, ça peut paraître vieillot, complètement dépassé, 
 et irréaliste. Une troupe scoute qui s'engage en tout terrain dans 
 la montagne, avec la charrette passe encore, ça s'est vu (c'est d'époque). 
 Mais de telles péripéties, un brouillard à couper au 
 couteau et à se perdre en moins de 10 mètres, à ne pas
 pouvoir se diriger même avec carte et boussole, paraît invraisemblable 
 !
 
 Bien sur,
 on peut dire tout ce qu'on veux, tout critiquer, tout flanquer par terre.
 Mais on peut aussi rentrer dans la lecture, s'abandonner au style, qui est
 superbe et se laisser mener par l'histoire. Toutes ces invraisemblances
nous  font glisser vers un autre monde où règne le merveilleux,
et  aussi le tragique. C'est la dimension du conte qui intervient ici.
 
 On découvre 
 alors une sublimation de cet esprit d'équipe, du principe des patrouilles 
 à la base du scoutisme, qui vient de BP lui même. On découvre 
 une analyse très fine et soignée de la psychologie des garçons 
 de cette époque, analyse que l'on peut très bien projeter  
 aujourd'hui, sans en perdre une seule ride tant elle sonne vrai. Et plus 
loin encore, on découvre une analyse de notre vie, avec ses petits 
défaut, et les grandes conséquences qui peuvent en découler, 
ainsi que tous les efforts des uns et des autres pour qu'un grand projet aboutisse.
Oui il y a de la philosophie dans ce roman, mais il faut la voir, il faut
aller la chercher, il faut être ouvert, et ne pas se limiter à
l'histoire.
 
 L'histoire, 
 parlons en. Elle est complètement folle, dépassée, même
 un peu débile. Et pourtant, lorsque l'auteur parle de ces garçons
 enthousiasmés par la proposition d'un "raid" à travers la
montagne,  vachement dur, et qui n'acceptent pas l'idée d'abandon
devant la difficulté,  n'y a-t-il pas non seulement un message d'espoir
immense, mais aussi une proposition qui vaut pour toujours, à toutes
les époques, y compris et surtout aujourd'hui où la jeunesse
semble en grande difficulté  ? Aux dires de P Delsuc, ces jeunes mis
en scène sont motivés  par un challenge. Ils sont prêts
à en baver, comme en témoigne  leur marche ardue, attelés
à la charrette. Et que ne pourrions  nous pas généraliser
 cette proposition ? J'ai souvenir d'un  "raid", d'une descente d'un torrent
 dans des conditions plutôt acrobatiques,  parfois dans l'eau jusqu'au
 cou, le sac sur la tête, parfois en équilibre  sur les rochers
 de la rive, et tous en sont sortis enthousiasmes et ravis  de l'excursion.
 
 J'ai mille 
 autres exemple de la sorte, dans le cadre du scoutisme, pas toujours aussi 
 dramatiques que cette traversée du Mezenc, mais avec ce caractère 
 difficile, cet esprit de lutte, de dépassement de soi, qui plus que 
 motive, transcende notre vie de simples mortels, et apporte une pleine satisfaction 
 de soi.
 
 C'est tout 
 cela qu'on peut voir dans ce roman, et aussi des héros, mais des héros
 à taille humaine, avec leurs défaillances, leurs limites.
Le  CP au milieu de la tourmente qui s'affole parfois et perd le nord (au
sens  propre comme au sens figuré), qui doute, et puis qui se reprend.
Gérard  le fautif, qui va de plus en plus mal, portant seul le poids
de sa trahison,  puis se repent, retrouve miraculeusement Eric, perdu dans
la nuit, le brouillard,  la montagne.
 
 C'est lorsqu'ils 
 adhèrent totalement à une force supérieure qu'ils s'en 
 sortent. Hugues, le CP, remet sa patrouille dans les meilleures traditions 
 scoutes, et au milieu du désastre fait ranger les affaires comme pour
 une inspection. Ordre dérisoire semble-t-il ? Non, il redonne force
 et vie à la patrouille.
 "Le chef 
est  là c'est notre pères,
 Quand il 
se  tait c'est inquiétant."
 Et bien
Hugues  donne alors des instructions, et c'est ça qui rassure les
patrouillards,  leur redonne espoir et vie. Et ainsi, ils passeront au travers
des épreuves.
 
 Et toujours, 
 l'ambiance de ce livre. Est-ce l'écriture, l'art de l'auteur qui sait
 nous plonger en plein brouillard, en pleine épreuve ? On vit avec
ces garçons, on vit chaque minute de souffrance, de peine, de désespoir,
 et on lutte avec eux. Et quand vient le dénouement, on partage, nous
 aussi simples lecteurs, la joie des retrouvailles, le soulagement d'en avoir
 fini. Mais aussi, et c'est là où le conte prend toute sa dimension,
 on sort plus fort qu'avant de cette épreuve, comme si, à l'instar
 des ces garçons, on avait traversé le Mézenc dans la
 brume.
 
 L'auteur
sait  de quoi il parle. Pierre Delsuc, avocat décédé
en 1986,  était commissaire général des Scouts de France
avant  d'en être président.
 on lui doit 
 quelques livres passionnants ainsi que les textes de  livres techniques 
 destinés aux Scouts.
 
 Dans les
collections              Jamboree et Signe de Piste:
 
 Jovanni
             (1952)
 Gaël 
 des Glénans (1956)
 L'île 
 de fer - Gaël 2 (1960)
 Port-Sterval 
 (1972)
 
 Chez d'autres 
 éditeurs:
 
 Eux, les 
 Scouts
 La rude
 nuit de Kervizel
 L'étrille
 Tout Ann 
 Héry
 Brume
sur  le Mezenc
 Le refuge 
 du bonheur
 
 
 
 Pierre Delsuc
 Brume sur 
le  Mezenc
 Illustrations de Pierre Joubert
 Editions Jeux de l'aventure 1990
 
 
 L'ETRILLE
 
 
 L’étrille est une sorte de petit 
crabe. C’est aussi un livre de Pierre Delsuc, qui se passe en Bretagne, comme 
souvent avec cet auteur.
 
 Ce n’est pas un grand roman comme il nous a habitué avec « 
Gael des Glénans », « L’ile de fer » ou « Port
Sterval ». L’auteur nous présente ce récit comme une
histoire qu’il raconte, un soir, au coin du feu : « Alors j’ai rédigé 
pour vous ce récit, pour que vous appreniez ce que valent les gars
 du pays bigouden », apostrophe précédée d’une 
description du pays bigouden plaisante et pittoresque.
 
 Le Raki est la boisson nationale Turque ; on en boit un verre le soir,
et  tout en dégustant, on sent la fatigue de la journée se
dissiper ; c’est relaxant. L’Etrille, on le lit pareil, en dégustant, 
en savourant un style de conteur d’histoire, un style direct, presque oral. 
C’est relaxant
 
 Il y a du pittoresque, de la Bretagne, des Glénans si chers à 
Pierre Delsuc. Il y a du suspens, de l’action. C’est un méli-mélo 
de jeunes garçons, de gangsters, de marins pécheurs soigneusement 
assaisonnés. Il n’y a pas de scoutisme, et pourtant l’équipe 
formée par ces garçons ressemble tout à fait à 
une patrouille.
 
 Peut être que le dénouement est exagéré, rocambolesque, 
mais il faut bien rêver, surtout quand on est lecteur. Et on se laisse 
emporter par l’action, alors tant pis pour la vraisemblance.
 
 Le récit toutefois n’est pas neutre. A lire la dernière page, 
baptisé Envoi : « N’est-ce pas, j’ai bien fait de vous conter 
cette histoire. Il y a de tout en elle… » Suit une démonstration 
à la gloire de l’Equipe, brique de base de la proposition Scoute si 
chère à Pierre Delsuc. CQFD.
 
 
 Pierre Delsuc
 L'Etrille
 illustrations de Jacques Leonard
 Collection Jamboree
 Editions SPES 1953
 
 ©2006 Francis Maire
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