fiche lecture

MINH DE LA RIVIÈRE THAÏ 


Michel Bonvalet


C'est un très beau roman (récit ou récit romancé) que nous offre Jean-Marie Dancourt          (est-ce son nom réel ou un pseudo très ciblé Signe de Piste ?)

En partie récit de guerre, l'auteur nous tient en haleine en décrivant la prise d'un poste avancé de l'armée française en Indochine au moment de la chute de Dien-Bien-Phu qui donna la victoire au Viêt-minh. Il sait aussi nous émouvoir avec le sauvetage de cet enfant des rizières qui va s'attacher au lieutenant commandant le poste.

En partie roman psychologique, il nous décrit sans hypocrisie les difficultés d'adaptation de ces militaires de retour dans leur patrie, la France,  qui ne se sentent pas vraiment accueillis en héros d'une guerre que beaucoup ont décrié en métropole. L'essentiel du roman étant toutefois constitué par l'intégration difficile de Minh au sein de la communauté et ses problèmes face à des amis qui n'ont ni les mêmes réactions ni les mêmes attitudes liées à leurs origines différentes.

La première partie a surtout retenue mon attention.
 
Bien sur, depuis ces événements déjà lointains qui succédaient à une guerre mondiale tragiquement cruelle, il y a eu l'AFN avec son cortège de morts et ses plaies encore mal refermées, la seconde guerre du Viet Nam,  les guerres larvées (qui n'avouent pas leur nom) des intégristes de toutes religions et partis et les multiples guérillas meurtrières qui agitent le monde.

La guerre d'Indochine ne fait plus recette dans les commémorations. et ce livre nous rappelle que des Français ont versé leur sang pour défendre nos lointaines colonies et les intérêts du pays.

Cette première partie m'a passionné, l'histoire, le style net de l'auteur ainsi que la précision de ses descriptions des événements et des lieux laissent supposer qu'il s'agit partiellement d'un récit vécu. Des patrouilles harcelées par les petits hommes verts à l'assaut final du poste, tout sent la vérité, y compris la rencontre dramatique entre Marc, le lieutenant et Minh dont les parents, instituteurs, ont été tués par les Viets.

La seconde partie m'a laissé sur ma faim, car le roman de guerre se transforme en classique du roman psychologique pour jeunes.

On y trouve, bien sûr, l'adaptation de Minh à sa nouvelle vie en métropole, sa découverte de Paris, du métro, des vacances en Bretagne (c'est très touristique) et surtout ses  problèmes liés à l'adolescence et à la vanité de certaines amitiés illusoires. S'ajoutent des dialogues peu crédibles de nos jours, une fiancée de Marc qui voudrait bien goûter de l'exotisme...on peut être un peu déçu....Comme si on avait voulu  faire cadrer ce récit d'aventure avec l'esprit de la collection...du Marketing, en quelque sorte.

Jean-Marie Dancourt déclare dans une courte biographie qu'il a du ajouter cette seconde partie à la demande de Foncine et Dalens. Ce qui justifierait ce ton un peu différent de la partie Indochine
.
Il n'empêche que c'est une belle œuvre, digne de la collection Rubans Noirs, qui se lit avec plaisir en générant de la réflexion. Tout particulièrement sur la difficulté de s'intégrer dans un pays si différent du sien.

Mais laissons la parole à l'auteur qui porte sur son roman un regard lucide:

" Après mon service militaire, je retrouvai "la génération Signe de Piste" et, poussé à la fois par Jean-Claude Alain (qui avait fondé la collection Jamboree) et par Dalens et Foncine, je me mis à écrire un roman sur la guerre d'Indochine : "Minh de la rivière Thaï" Ce fut assez laborieux et ce fut à ce moment que j'entrai dans les dessous de l'édition. Etant en période de froid avec J-C A., je proposai mon manuscrit à Dalens et Foncine qui co-dirigeaient la collection Signe de Piste à cette époque. Ils trouvèrent le texte intéressant et y apportèrent de nombreuses corrections secondaires mais "exigèrent" que je fasse une seconde partie où mes héros se retrouveraient en France.  C'était une erreur, mais je ne pouvais m'opposer à leur exigence sous peine de voir mon manuscrit refusé. Il fallut donc m'exécuter de mauvaise grâce...../...
/....Par la suite, je pondis quelques autres romans, hélas refusés pour des raisons valables pour certains, et beaucoup moins pour d'autres." (sic)

Pour ma part j'ai aimé ce livre malgré ces réserves car il demeure un très beau témoignage de la période.

Je le recommande à ceux qui ne l'ont pas encore lu.


Minh de la rivière Thaï
Jean-Marie Dancourt
Illustrations de Pierre Joubert
Collection Rubans Noirs
Éditions Alsatia 1958




©2005 Michel Bonvalet





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