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fiche lecture
LA MORT
D'ERIC (Serge Dalens)
par Alain Jamot
Ce récit est
une énigme... Censé clore la saga du Prince Eric, censé
achever ce mythe littéraire et le refermer à jamais, il le
propulse dans un maelström de chagrin et de larmes, de douleurs et de
regrets, ceux du lecteur qui, à quinze ans, aujourd'hui comme hier,
se retrouve anéanti de tristesse et de manque...
Figure christique errant sur les plages du désastre,
se souciant encore du plus pauvre, du plus fragile, du plus oublié
d'entre nous, Eric porte l'enfant au flanc écarlate de sang, aux blessures
inutiles.
Le prince s'en va mourir dans un hôpital de campagne,
saint patron de la Solitude, guerrier sans gloire, plus ignoré encore
que le plus humble de ses sujets...
Promis à la Royauté, instrument du règne
de la Justice, il échoue, à quelques mètres du père
de son ami, Christian. Et meurt, en silence, le jour de ses dix-huit
ans...
Serge Dalens cède à tous les sortilèges
et détours du romantisme, fait appel aux plus vieilles recettes
et ficelles éhontées des mélos du Boulevard du Crime...
et ça marche ! Marche funèbre, Pavane pour un Prince sacrifié,
tombé dans un combat inutile. Inutile, mais inéluctable dans
l' univers de Dalens ou le seul salut possible vient des armes et de la
mort violente. Christian deviendra soldat, comme Rémy de Terny,
comme Philippe, comme Ralfsen, et tant d'autres...
Après le Bracelet, après la Tache, ses héros
ne peuvent vivre que dans le fracas des batailles, seul substitut adulte
possible au scoutisme de leur quinze ans... seul oasis de féodalité
dans un monde décidément, pour l'auteur, trop moderne, trop
rapide, et trop ...démocratique !
Enfermé dans une fascination paternelle envahissante,
nourrissant à jamais des regrets pour une carrière militaire
pour laquelle il n'était pas taillé, Dalens sonne la retraite
de sa jeunesse : Eric meurt parce que la Beauté doit mourir, parce
que la jeunesse ne peut que mourir pour rester fidèle à elle-même,
parce qu'au moment où il écrivait ces lignes, Serge Dalens
saluait une dernière fois son enfance et sa jeunesse à lui.
Eric vieillissant, envahi par le doute, acceptant les compromissions parce
qu' exister c'est composer avec le réel, Eric quittant le masque
de Tadzio pour devenir Aschenbach ? Impossible...
Il faudrait rester sur ces dernières pages de La
Mort d'Eric et ne pas céder aux séquelles tardives, douteuses
qui vinrent, bien longtemps après. Qu'importe les détails
du règne, les tractations diplomatiques, le brevet d'anti-nazisme
cinquante ans après la bataille ... Le Prince Eric ne
compte que quatre tomes, for ever, quatre piliers du Temple, où les
genres (roman scout, psychologique, policier, récit de guerre...)
se télescopent, se mêlent, dans des années 30 désormais
de pacotille, de convention, tragiques, drôles parfois, amères
souvent...
Dalens, dans ses livres, n'aimait rien tant que les larmes,
l'irréparable, le sentiment étrange qui s'empare de vous
lorsque c'est fini, qu'il n'y a plus rien à attendre et que le chagrin
vous décharge enfin du poids écrasant de l'espoir..
This is the end, my friend, comme le scandait Morisson,
pendant que les fleurs de napalm d'une autre guerre, d'un autre monde, séchaient
les larmes sur le visage de Christian, le survivant...
La Mort d' Eric
Serge Dalens
Signe de Piste n°6
Edition Alsatia 1943
©2004 Alain Jamot |
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