Hommage à Jean-Claude Alain
un grand auteur nous a quitté !


Michel Bonvalet




Au début de cette année, en février,  Jean-Claude Alain nous a quittés discrètement à l’âge respectable de 93 ans. J’ai encore quelque regret de ne pas avoir pris le temps de lui consacrer un entretien au coin du Net, qui eut pu nous éclairer sur les nombreuses questions, demeurées sans réponse, concernant sa brillante et longue carrière, tant d’écrivain de la jeunesse et d’éditeur que sur son long passage remarqué dans le scoutisme.

Pour notre bonheur, Jean Léopold dit Jean-Claude Alain, dit Bernard Walbach, dit Alain Tiersen, dit Jean-Marie Dooz , dit Jean Erland, nous a laissé de nombreux titres à lire et relire, dont beaucoup ont été réédités.

Nous avons  déjà, sur ce site, 6 fiches de lecture sur les romans dus à cet auteur, et l’essentiel manque puisque nous n’avons encore jamais parlé de la saga Mikhaïl Prince d’Hallmark qui est plus surprenante que tous les autres titres et que nous aborderons plus loin.

Auteur prolifique et attachant qui nous a fait toucher du doigt les dures réalités de l’existence mais aussi rêver d’un monde meilleur, Jean–Claude Alain fut également un homme complexe et assez mélodramatique.

On ne trouve pas à ma connaissance de romans fantaisistes au sein de son œuvre (de même que dans celle de Dalens, auquel toute sa vie il fit référence, allant jusqu’à le citer ou citer ses héros de papier dans ses écrits, voire pasticher le roman qui fit la notoriété du père d’Eric.

On peut s’interroger sur le jeu étrange auquel s’est livré Jean Claude Alain vis-à-vis de son aîné, probablement avec l’accord, au moins tacite, de celui-ci, en créant un héros directement inspiré du Prince Eric de Swedenborg, voire en utilisant des prénoms identiques (Philippe, CP des Loups) ou en faisant intervenir Jef, ex-page et aide de camp d’Eric.

J-C Alain nous a habitué, dans certains de ses romans, à mêler des personnages issus d’autres histoires, dont certaines contées dans ses propres écrits, voire des personnages existants.
Il est devenu le spécialiste de la situation ambigüe :
En mémoire, a titre d’exemple, RN 413 (voir fiche de lecture) où il tresse, en préface du livre et en tant qu’éditeur, une couronne à un auteur qui n’est autre que lui-même sous le pseudo de Bernard Walbach et fait référence à un autre auteur, Alain Tiersen, qui est également un de ses pseudos… clin d’œil au lecteur averti ?  Orgueil un tantinet démesuré ? Ou simple façon de s’auto promotionner ?


         

                                             
 

Jean-Claude Alain est complexe dans son jeu littéraire avec celui qui a été son éditeur. Est-ce par esprit facétieux ? Par réelle rivalité  d’auteurs ? Par compétition amicale ?
Il ne semble pas que Serge Dalens en ait pris ombrage, ni en eut fait le reproche à cet autre « père » de Prince puisqu’il continua de l’accueillir dans l’écurie Signe de Piste en dépit de la création d’une collection concurrente (« Jamboree » aux éditions SPES),  lancée et dirigée par Jean-Claude Alain lui-même
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Certains romans de cette collection seront même illustrés par Pierre Joubert
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En effet après une interruption de quelques années, J-C Alain fera paraître de nouveaux titres  dans la collection Safari Signe de Piste: Shawn la baleine, La photo écossaise, Manuel de la Pampa et le fameux Sol y sombra, avec la réédition de "Les clowns" déjà paru chez Jamboree…l’ensemble sous ses différents pseudos.

                 

Nous devons bien constater que le grand talent de conteur d’Alain et son imagination pouvaient faire passer  au second plan la concurrence commerciale évidente entre les deux collections.

Quand même ! En relisant, avec gourmandise, la saga de Mikhaïl on demeure stupéfait de tant de ressemblances accumulées au fil de l’histoire. Ce n’est certes pas du copier-coller mais les ingrédients sont les mêmes : Prince héritier d’un petit territoire convoité par ses voisins, ministres traitres décidés à prendre le pouvoir de force (il manque ici un Tadek…) ou avec l’aide de la puissance voisine, tentative d’assassinat, enlèvement (Mikhaïl se retrouve dans les mines de sel, Eric dans une forteresse imprenable),  même mépris des gardiens ! la tentative d’assassinat de Wladimir est une variante de l’affaire du Bracelet de vermeil, et pour terminer une saga déjà bien triste, mort du héros dans les bras de Jef ami et ancien page d’Eric… On ne peut écrire deux histoires plus proches.

Je n’ai pas lu le Mikhaïl et Eric paru en 1988 aux éditions C.L.D. mais l’utilisation du héros de Dalens a été exploité jusqu’au bout par Jean-Claude Alain, profitant ainsi de la notoriété du premier pour obtenir le succès du second.
La saga de Mikhaïl est peut-être plus romantique et plus mélodramatique. Mais en la découvrant on a un petit arrière gout de plagiat (le vilain mot !) pour ne pas dire pastiche (a connotation trop humoristique).

Si un proche de la collection ou des deux auteurs connait la raison profonde de cette rivalité des Princes de papier, je serai heureux de la publier pour dissiper le doute qui envahit le lecteur.

On comprend mieux pourquoi seule la couverture du premier tome est de Pierre Joubert (qui dessine d’ailleurs un prince jumeau d’Eric) et non les illustrations intérieures qui sont dues à Wilfrid Perraudin, illustrateur talentueux mais sans la force et la personnalité de Joubert. Si ce dernier avait continué les illustrations et les autres couvertures, la ressemblance avec le héros de Dalens eut été encore plus évidente.

               


Ce côté mélodrame apparait tout particulièrement dans un de mes romans préféré de JCA : La maison du bord des sables (fiche lecture sur le site).Peut-être parce que l’action se déroule dans les Côtes d’Armor ?
 

Ce roman est celui de l’impossible mais c’est aussi une revanche du faible sur le fort, de la rédemption du jeune pêcheur qui accepte de porter sur lui toutes les tares de l’autre et d’en subir les conséquences. C’est un roman d’amour et d’espoir bâti sur la mort d’un jeune garçon et la maladie à priori incurable d’un père. Difficile de ne pas souffrir avec le petit héros rejeté même par les scouts qui l’avaient adopté.

Situation improbable, due à la morbide imagination d’une épouse et d'une mère déchirée, mais qui a arraché des larmes à plus d’un.

Dans la réédition du roman sous un nouveau titre : Dans l’ombre d’un autre, la troupe de scouts est remplacée par « les comédiens de bois » une équipe de marionnettistes, le côté esprit de patrouille y perd un peu.


               


Il semble que ce changement soit dû à la profession de Jean Léopold, qui fut lui-même marionnettiste. J’ai pourtant, pour ma part,  cru y déceler le désir de s’éloigner définitivement du mouvement auquel il avait tant donné et qui l’a oublié si aisément.

Homme profondément croyant (il était de religion chrétienne orthodoxe) et sérieux, il se passionna pour le mouvement de jeunesse qu’il animait : le Scoutisme.
Supportant probablement mal les dissensions nées au sein du mouvement, il participa, et même initia, les Scouts d’Europe dont il fut évincé quelques mois après leur création.
Les raisons évoquées sont mystérieuses et ne sont pas l’objet de cet hommage réservé au seul auteur qui consacra sa vie à la jeunesse.

Merci à Jean-Claude Alain des joies qu’il nous a apporté et qu’il nous apportera encore, car il demeurera longtemps parmi nous.

La liste de ses romans est impressionnante et peut-être pas exhaustive, certains feront surement encore l’objet de fiches de lectures :

 
 

Collection SIGNE DE PISTE

L’Etranger dans la patrouille.
La maison du bord des sables
L’Équipier
Port des brumes
 
Collection SAFARI-SIGNE DE PISTE

Shawn-la-baleine.
Sol y sombra
 
Editions SPES (Collection JAMBOREE)
 
La marque du sang
Mikhaïl Prince d’Hallmark
Le chemin sans étoiles
La fin d’Hallmark.
Le fils du lac
Le roi Mezel. (En collaboration avec Alain Arvel.)
Groupe du Saint-Sang.
Le royaume près de la mer
Pierrot lunaire.
La piste 116.

 
Editions CASTERMAN (RAMEAU VERT)

La nuit merveilleuse de la cigogne
 
Editions J. DE GIGORD
(Collection FEU DE CAMP)
 
La nuit des Saints Innocents
 
Editions  DU SOLEIL LEVANT (Belgique)
 
Les contes de l’étranger.
Demain il fera jour.
Le jeu des templiers
 
Editions DUMAS (JEUNES DE FRANCE)
 
L’enfant des ténèbres
 
PRESSES DE LA CITE (Rouge et Noire)
 
Les enfants de Dublin.
 
Editions ALAIN GOUT (COUREURS D’AVENTURES)
 
Dans l’ombre d’un autre
L’étudiant de Prague.
Du même sang toi et moi

Editions CLD:

Eric et Mikhaïl
 
et, l'introuvable et mythique : "Le Livre des enfants morts" (éditeur inconnu de nous)

Sous le nom d’AlainTersen :

Les Clowns
Le Fugitif
La photo écossaise

Sous le nom de Jean-Marie Dooz :

Foulard Noir
Le jeu des rois
Manuel de la pampa

Sous le nom de Bernard Walbach :

Le pays sans chemin
Nationale 413
La passion de Marc Meilleraye

Sous le nom de Jean Erland:

Philippe-Henri
Raiders de l’espace (avec Michel Jansen)

Derniers romans parus:

  • Drumdale
  • Ils sont venus de l'Est
  • La passion selon les gemeaux


Pour en savoir plus sur Jean-Claude Alain


©2009 Michel Bonvalet







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